Les émissions françaises de gaz à effet de serre ont baissé de 4,2% entre 2017 et 2018. Qu’en pense l’équipe de B&L évolution ? Tout dépend à qui vous le demandez !

Le 18 juin 2019, le Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique (CITEPA) a publié une estimation des émissions de gaz à effet de serre de la France pour 2018. Selon cette estimation, les émissions françaises en 2018 seraient de 445 Mt CO2 (ou équivalents, hors secteur des terres et des forêts) soit une baisse de 4,2 % par rapport à 2017.

La nouvelle se répand rapidement au sein des bureaux de B&L évolution. La crispation est palpable. Les uns se plongent dans les tableaux du CITEPA pour en savoir plus quand d’autres réservent une bouteille de champagne au frais pour fêter cela. Lors de la pause déjeuner, les débats s’orientent naturellement autour de cette actualité. Que retenir de ce chiffre ? Tous n’ont pas le même avis.

Les différentes réactions à l’annonce de la baisse des émissions françaises de GES

L’optimiste :

Youpi !!!!!! Fêtons cela ! C’est encourageant. Qui veut du champagne ?

Le jamais content :

Les émissions avaient augmenté en 2016 et 2017. Il faut voir d’où on part. Nous avons à peine rattrapé notre retard. Depuis 1990, on a baissé de -16%, ça ne fait que -0,6% par an. Pour atteindre la neutralité carbone, on aurait dû être sur du -3%/an de 1990 à 2050.

L’ambitieuse :

Ce n’est absolument pas suffisant ! Les émissions de gaz à effet de serre devraient au moins baisser de 5% par an pendant 30 ans si on veut se placer sur une trajectoire compatible avec la neutralité carbone.

Le casse-pieds :

Et les émissions importées alors ? Saviez-vous que 40% de l’empreinte carbone des Français est liée aux importations ? Quelle est la part de la baisse de nos émissions qui a juste été délocalisée ? ça ne sert à rien de reporter nos émissions chez nos voisins !

La blasée :

Rien d’exceptionnel, on a déjà fait 5% il y a 4 ans. C’est comme les résultats aux Européennes, les écolos avaient fait 20% il y a 10 ans, ça n’a pas changé grand chose.

Le statisticien :

Techniquement, on ne peut pas parler de trajectoire sur une année, il faut regarder sur plusieurs années pour en tirer quelque chose. C’est un peu comme la météo et le climat, on ne peut pas dire que le réchauffement climatique s’est arrêté parce qu’une année il fait plus froid. Si on prend la moyenne sur les 5 dernières années, on est à 1,4% de baisse annuelle. Si on prend sur les 10 dernières années, on est aussi à 1,4% de baisse annuelle.

Le sceptique :

Rentrons un peu dans le détail de cette baisse : 40% de la baisse des émissions sont dus au secteur électrique soutenu par un parc nucléaire qui a affiché une très bonne disponibilité après une année difficile. Pas de grosse maintenance en 2018 donc c’est logique. Presque la moitié du reste est directement lié à la douceur climatique, il a fait plus doux en 2018 donc les gens ont moins chauffé que l’année précédente. Si ça se trouve, tout ça n’est que conjoncturel et les émissions ne baissent pas vraiment.

La décroissante :

Le message que fait passer le gouvernement avec cette actualité c’est qu’il est possible de faire de la croissance et réduire les gaz à effet de serre. On est loin de la remise en question nécessaire de nos modèles socioéconomiques…

Le pro-vélo :

Le transport automobile descend pour une fois, mais reste très loin du compte. D’ailleurs, regardons d’un peu plus prêt les indicateurs du CITEPA… on a encore une flotte de véhicule qui émet en moyenne 166 g CO2 par km, on a diminué de moins de 30g en 25 ans et il nous reste 2 ans pour atteindre 120g CO2 par km ! Saviez-vous que les SUV représentent 30% des ventes de véhicules neufs en France ? Il faudrait offrir des vélos à tout le monde et arrêter de faire de la publicité pour ces véhicules si on voulait être crédible.

La collapsologue :
Tout cela n’a pas d’importance. Vous verrez que cela va entraîner des effets rebonds. Plus tard ou dans d’autres pays les émissions finiront pas augmenter par ailleurs. Il nous faut nous préparer en priorité à la catastrophe climatique. Vous avez vu qu’il fait 40°C la semaine prochaine ?

L’orienté action :

Il faut maintenir les dynamiques intéressantes en les différenciant de fausses bonnes nouvelles comme les exportations ou les effets conjoncturels. Il faut renforcer notre effort là où la tendance n’est pas encore avérée en étant à l’écoute des acteurs locaux (territoires et entreprise).

Quelle conclusion retenir de cette baisse de GES ?

Toutes ces réactions nous montrent qu’un chiffre pris indépendamment peut être interprété de bien des manières différentes.

Evolution des émissions GES en France

Le GIEC indique que le budget carbone mondial associé à cet objectif est de 420 à 580 Gt CO2e. La France représente un peu moins de 1% de la population, donc ne devrait pas émettre plus de 4,5 Gt CO2e y compris pour ses émissions importées et ce sans compter la responsabilité historique dans les émissions passées.

Fin 2018, nous publiions une étude qui dessinait les contours des différentes mesures qui permettraient à la France de suivre une trajectoire alignée sur une limitation du réchauffement climatique à 1,5°C.  Au même moment, le gouvernement français a publié une mise à jour de sa Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC). Dans ce texte, la France renforce son ambition en visant un objectif de « neutralité carbone » inédit jusqu’à maintenant.

Bien qu’il s’agit d’un signal plus que bienvenu, ce document rappelle également que, dans les faits, la France ne parvient pas jusqu’à maintenant à suivre la trajectoire à la hauteur des objectifs qu’elle s’est fixée par le passé.

La somme des émissions prévues, en prenant en compte la séquestration carbone, pour la période 2019-2033 est de 4,7 Gt CO2e, et ne considère que les émissions directes du territoire. En considérant les émissions importées (environ 1 tiers de l’empreinte carbone des Français) ces émissions seraient de 6,5 Gt CO2e, soit largement supérieur aux 4,5 Gt CO2e recommandées par le GIEC.

Dans un avis récent, le CESE (Conseil Economique Social et Environnemental) rappelait le grand écart entre, d’une part une ambition de “neutralité carbone” renforcée dans le nouveau projet de SNBC et, d’autre part le manque de moyens associés à cet objectif.

La France fait donc face à un double problème.

1)   Les moyens actuellement alloués ne sont pas à la hauteur des objectifs officiels.

2)   Les objectifs en question ne sont pas à la hauteur des recommandations du GIEC de limiter le réchauffement climatique au plus près de 1,5°C.

La France doit donc renforcer son ambition. Mais de simples objectifs ne suffiront pas : La France doit impérativement se donner les moyens de répondre concrètement à ces objectifs. Un chiffre seul sur les émissions de gaz à effet de serre d’une année ne permet pas de montrer que la France est à la hauteur des enjeux énergie climat.

Réjouissons-nous tout de même de ce résultat encourageant, même s’il ne peut être pris comme un indicateur pertinent. Tout dixième de degré compte, toute tonne de CO2 évitée est une bonne nouvelle. Les commentaires qui accompagnent ce chiffre témoignent tout de même d’une prise de conscience et d’une volonté de passer à la vitesse supérieure. Il est intéressant que le ministre De Rugy encourage toute la société à entrer dans la guerre à l’effet de serre. C’est effectivement un effort de guerre qu’il faut mener dès maintenant et cela passe par tous les étages, responsables politiques, dirigeants d’entreprises, acteurs de la transition et citoyens, nous devons tous nous y mettre !