Le mardi 12 décembre se tenait le One Planet Summit, à l’initiative du président de la République française suite au retrait américain de l’Accord de Paris sur le climat. Cet événement, auquel B&L évolution a assisté, a rassemblé des acteurs publics et privés, dont une cinquantaine de chefs d’Etat et de gouvernement, sur l’enjeu de la mobilisation de la finance.

En effet, lors de la COP21, les Etats signataires de l’Accord de Paris se sont engagés à maintenir le réchauffement climatique en dessous de 2°C par rapport à l’ère préindustrielle. Pour respecter ces engagements, des actions sont attendues de la part des Etats, mais aussi de tous les acteurs de la société : entreprises, collectivités, citoyens… Cela nécessite toutefois d’importants investissements : l’Agence internationale de l’énergie estime qu’il faudra en moyenne 3 500 milliards de dollars d’investissements dans le secteur énergétique chaque année pendant 30 ans pour contenir l’augmentation des températures à un minimum de 2 °C. En 2006, le rapport Stern évaluait le coût de l’action à 1 % du PIB mondial, contre 5 à 20% le coût de l’inaction. Il est nécessaire de prendre des mesures au plus vite car le coût des impacts du changement climatique, estimé à 92 milliards d’euros pour la France sur les 25 prochaines années (Fédération Française de l’Assurance, 2015), augmente avec le temps.

Nous pouvons retenir de ce sommet l’avertissement d’Emmanuel Macron quant au manque d’action : « On est en train de perdre la bataille ». En effet, une étude parue dans la revue Nature Climate Change en juillet estimait à 5 % les chances de limiter le réchauffement climatique à 2 °C d’ici la fin du siècle. Le GIEC, le groupe d’experts internationaux dont les travaux font référence sur le climat, recommande de réduire de 40 à 70 % les émissions de gaz à effet de serre provenant des énergies fossiles d’ici à 2050 par rapport à leur niveau de 2010. Si des engagements sont surtout attendus des Etats, d’autres acteurs semblent passer à l’action !

Des engagements attendus des Etats… mais provenant surtout des acteurs privés

Si l’on espérait des annonces de l’Etat français telles qu’un prix élevé de la tonne de carbone, une taxe sur les transactions financières, la fin des aides publiques climaticides des institutions financières françaises, le doublement de l’aide française aux pays en voie de développement (fonds vert) ou encore le refus des accords de commerce climaticides, on retrouve plutôt des mesures déjà dévoilées C’est le cas dans le domaine des transports, où sont rappelés les objectifs du plan climat, portés par le ministre de la Transition écologique et solidaire Nicolas Hulot, de mettre fin d’ici 2040 à la vente de voitures contribuant à l’effet de serre, ceux de la loi hydrocarbures ou encore ceux du plan d’investissement détaillé en septembre par l’exécutif.

Ainsi, nous pouvons relever les engagements pris par les investisseurs, notamment celui de  la Banque mondiale qui a annoncé l’arrêt du financement  de l’exploration et l’exploitation de pétrole et de gaz, après 2019. A côté de ça, l’annonce de la fin des véhicules roulant aux énergies fossiles en 2040 par la France parait bien loin ! L’agence française de développement (AFD) s’est quant à elle engagée à mettre en place de nouveaux outils afin d’accélérer les mesures d’adaptation vers des « politiques plus explicites pour réduire significativement la dépendance aux énergies fossiles et accélérer rapidement le financement des énergies renouvelables ».

Nous retiendrons surtout les grandes annonces des acteurs privés. Déjà, vendredi 8 décembre, plus de 100 chefs d’entreprises ont appelé le gouvernement français à « aller plus vite et plus loin » dans la transition écologique. Dans un manifeste commun, ils disent avoir « entendu l’appel des 15 000 scientifiques qui nous pressent de changer de voie pour lutter efficacement contre le dérèglement climatique et la perte de biodiversité sur la Terre ».

De plus, Aviva s’est engagé à investir 2,5 milliards de livres d’ici 2020 dans les infrastructures vertes pour économiser 500 000 tonnes de CO2 par an. Par ailleurs, lundi 11 décembre, 89 entreprises, dont BNP Paribas, Axa, Crédit Agricole ou encore Société Générale, représentant 1 500 milliards d’euros de chiffres d’affaires et plus de 6 millions d’emplois directs, ont lancé le French Business Climate Pledge. Les contributions détaillées de chaque entreprise sont présentées dans le document « French Business Climate Pledge – Les entreprises françaises s’engagent pour le climat » du Medef. Ensemble, elles annoncent des investissements massifs pour passer à une société bas carbone. Quelle en sera la mise en œuvre ?

« De 2016 à 2020, nous prévoyons au moins 60 milliards d’euros d’investissements industriels et de R&D dans les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique et le déploiement d’autres énergies bas carbone », indiquent-elles. À cela, elles ajoutent 220 milliards d’euros de financements de projets contribuant à lutter contre le changement climatique.

Cependant, elles s’engagent aussi à investir 30 milliards d’euros dans le gaz, une énergie fossile responsable de 18% des émissions mondiales de CO2. Les acteurs privés se doivent de définir leurs ambitions climatiques et stratégie carbone. Voici quelques préconisations de B&L évolution pour atteindre leurs objectifs.

Se désinvestir des activités climaticides

Se désengager des projets d’extraction ou de production d’énergies fossiles

Si l’annonce d’investissements dans le secteur de la « croissance verte » comme le développement des énergies renouvelables est mise en avant, l’action primordiale des acteurs de la finance reste le désinvestissement total de leurs actifs dans des projets d’énergie fossiles, complètement incompatibles avec la nécessité de diminuer les émissions de gaz à effet de serre. Le désengagement des énergies non conventionnelles de BNP Paribas, annoncé en amont du One Planet  Summit, suivi par celui de Crédit Agricole, Société générale et Natixis, ainsi que le désengagement accéléré de l’industrie du charbon de la part de l’assureur Axa, sont exemplaires.

Mettre la pression pour changer les activités des entreprises émettrices de GES

Les investisseurs ont un rôle à jouer au travers de la destination de leurs actifs en termes de projets climaticides, mais aussi dans les entreprises dont l’activité accentue le réchauffement climatique. Ainsi, les 100 entreprises mondiales responsables directement ou indirectement de 80 % des émissions de CO2 de la planète sont visées par l’initiative Climate100+. Un groupement de plus de 200 grands investisseurs, représentant 26 300 milliards de dollars d’actifs (plus de dix fois le PIB de la France), ont décidé de les mettre sous surveillance. Il s’agira d’abord de les aider à mettre en place des stratégies de baisse des émissions et de reporting transparent sur le climat. Si elles jouent le jeu, elles pourront sortir de « la liste des ennemis du climat ». Dans le cas contraire, les investisseurs useront de leur pouvoir d’actionnaires pour sanctionner les fautifs.

Engager une stratégie climat d’entreprise

Au-delà du désinvestissement nécessaire, les acteurs privés ont la possibilité de se doter d’une réelle stratégie climat. Quel que soit le secteur d’activité, intégrer une stratégie en accord avec les objectifs de l’accord de Paris (2°C) permet d’agir non seulement pour atténuer les effets de son activité sur le changement climatique, mais aussi de préparer l’adaptation de son activité aux conséquences du changement climatique.

Par exemple, 34 entreprises engagées dans le French Business Climate Pledge ont décidé de mettre en œuvre les recommandations de la Taskforce on Climate-related Financial Disclosures (TCFD) avec des modalités pragmatiques. Ce groupe de travail du conseil de stabilité financière du G20 propose aux entreprises des lignes directrices de reporting sur le climat.

Evaluer la stratégie mise en œuvre, une étape indispensable

Il est important de pouvoir quantifier la mesure des politiques climat mises en œuvre, comme le proposent les Science Based Targets (les SBT permettent à chaque organisation d’inscrire sa stratégie dans un scénario 2°C en adaptant ses activités aux exigences des engagements politiques internationaux et nationaux) et de réaliser des bilans d’émissions de GES en incluant les émissions  indirectes pour mesurer l’efficacité de ses actions, comme le demande la loi relative à la déclaration de performance extra-financière. Dans le secteur de la finance, il s’agit désormais d’évaluer l’impact carbone de ses actifs afin de quantifier sa responsabilité climatique et de savoir si la stratégie est en phase avec le scénario 2°C.

En outre, les douze « Clim’acts »  engagés lors du sommet du 12 décembre vont des stratégies de riposte aux événements extrêmes à la protection des ressources naturelles, en passant par des mesures en faveur des véhicules électriques et des initiatives du secteur financier pour favoriser une économie décarbonée. Emmanuel Macron a annoncé la création prochainement d’une plateforme en ligne, One Planet, qui regroupera toutes les initiatives. Espérons que cette plateforme permettra de suivre, évaluer et rehausser l’ambition des projets. Les ClimActs mettent en avant également le développement de nouvelles méthodologies d’évaluation de l’empreinte carbone et des risques, à l’image de celles élaborées spécifiquement pour le secteur financier.

Un chemin encore long à parcourir

Malgré les annonces remarquables faites au One Planet Summit, les engagements des acteurs privés restent volontaires et non contraints. Ainsi comme l’évalue le Réseau Action Climat (RAC) dans son étude, les stratégies énergie climat de grands groupes français ne permettent pas de respecter les 2°C maximum de réchauffement climatique.

De plus, malgré les outils mis à dispositions par des cabinets d’expertise ou des associations, seuls des réglementations, des encouragements et des sanctions de la part de l’Etat pourront réellement pousser l’ensemble des acteurs privés à s’engager.

A noter également le peu d’annonces d’actions concrètes sur le climat et les énergies en France et ses territoires. Pourtant, de nombreuses régions françaises avaient intégré la transition énergétique et la lutte contre le réchauffement climatique dans leurs objectifs de développement, comme l’indique l’étude de B&L évolution. Nous sommes convaincus du rôle majeur que doivent jouer les territoires pour réussir la transition énergétique et écologique et développer un monde post-carbone. L’appel à projet TEPCV avait un potentiel certain et a le mérite de rendre audible la transition énergétique des territoires. La nouvelle feuille de route gouvernementale pour le climat devra en tirer des enseignements !

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