De grandes disparités dans le système énergétique mondial ont été soulevées par l’Agence internationale de l’énergie. Pour un avenir énergétique sûr et durable, elle préconise des changements rapides et généralisés dans toutes les parties du système énergétique. Explications.

L’écart entre les quantités importantes d’émissions de CO2 produites et les objectifs climatiques mondiaux pour les réduire, le fossé entre la promesse d’énergie pour tous et le manque d’accès à l’électricité pour 850 millions de personnes dans le monde, l’écart entre les attentes relatives aux transitions énergétiques rapides et la réalité des systèmes énergétiques actuels, la dissonance entre les marchés pétroliers et les tensions géopolitiques croissantes… : de profondes disparités caractérisent le monde énergétique actuel.

Ces fractures grandissantes ont été étudiées par l’Agence internationale de l’énergie (AIE) qui fournit dans sa publication, le World Energy Outlook (WEO), un ensemble de scénarios qui explorent les différents futurs possibles ainsi que les actions – ou inactions – des décideurs du secteur de l’énergie. Cette édition 2019 ne présente aucune prévision mais explique « l’impact des décisions prises aujourd’hui sur les systèmes énergétiques de demain et décrit une voie permettant au monde de répondre aux objectifs en matière de climat, d’accès énergétique et de qualité de l’air, tout en maintenant la priorité accordée à la fiabilité et au caractère abordable de l’énergie pour une population mondiale croissante ».

Quelles sont les perspectives énergétiques mondiales ?

Cette publication trace différents scénarios en fonction des politiques, des investissements, des technologies et des autres choix que les décideurs assument aujourd’hui. Trois scénarios ont été identifiés :

  • Scénario Politiques actuelles (CPS) : Ce scénario montre ce qui se passe si le monde continue sur sa trajectoire actuelle, sans aucune modification supplémentaire de la politique et des mesures existantes. Dans ce scénario, la demande d’énergie augmente de 1,3% par an jusqu’en 2040. Il en résulterait une progression incessante des émissions de GES liées à l’énergie, ainsi que des tensions croissantes sur presque tous les aspects de la sécurité énergétique. 
  • Scénario de politiques déclarées ou énoncées (STEPS) : Ce scénario donne une idée détaillée de la direction dans laquelle les ambitions politiques actuelles mèneraient le secteur de l’énergie. Il ne prend en compte que les initiatives de politique spécifiques déjà annoncées en illustrant leurs conséquences, sans pour autant deviner comment ces préférences politiques pourraient changer à l’avenir. Dans ce cas, la demande énergétique augmente de 1% par an jusqu’en 2040. Les sources à faible émission de carbone, tirées principalement par l’énergie solaire photovoltaïque, fournissent plus de la moitié de cette croissance, et le gaz naturel représente un tiers supplémentaire. La demande de pétrole s’atténue dans les années 2030 et l’utilisation de charbon a légèrement diminué. Certaines parties du secteur de l’énergie, menées par l’électricité, subissent des transformations rapides. L’augmentation des émissions ralentit, mais sans pic avant 2040, le monde est loin d’atteindre ses objectifs de durabilité partagés.
  • Scénario de développement durable (SDS) : Ce scénario propose un moyen de réaliser pleinement les objectifs en matière d’énergie durable, ce qui nécessite des modifications rapides et généralisées à tous les niveaux du système énergétique. Il trace une voie pleinement alignée sur l’Accord de Paris en maintenant la hausse des températures globales à bien en dessous de 2 ° C… et en poursuivant les efforts pour la limiter à 1,5°C, et en respectant les objectifs liés à l’accès universel à l’énergie et à une consommation plus propre. L’ampleur des besoins en énergie du monde signifie qu’il n’y a pas de solution simple ou unique. Des réductions d’émissions importantes sont obtenues dans tous les domaines grâce aux multiples carburants et technologies offrant des services énergétiques efficaces et rentables pour tous.

Vers un scénario de développement durable ?

Les décideurs doivent donc réfléchir sérieusement aux conséquences de leur choix. Il n’y a pas de solution unique ou simple pour transformer les systèmes énergétiques mondiaux mais une dynamique est à créer pour compenser les effets d’une économie mondiale en expansion avec une énergie propre.

« Le monde doit de toute urgence mettre l’accent sur la réduction des émissions dans le monde. Cela nécessite une grande coalition comprenant des gouvernements, des investisseurs, des entreprises et tous les autres qui se sont engagés à lutter contre le changement climatique. », alerte le Dr Fatih Birol, Directeur exécutif de l’AIE, l’Agence internationale de l’énergie.

Les schistes et les panneaux solaires photovoltaïques montrent qu’un changement rapide est possible, mais les gouvernements fixent l’orientation et la vitesse.

Répondre à la demande croissante de services énergétiques, tout en réduisant les émissions est une énorme tâche : tout le monde peut aider, mais les gouvernements doivent prendre les devants. Les initiatives émanant de particuliers, de la société civile, d’entreprises et d’investisseurs peuvent faire la différence, mais la plus grande capacité de façonner notre destin énergétique réside dans les gouvernements. L’AIE envoie un signal très clair et appelle à la responsabilité des gouvernements. En étant ceux qui fixent les conditions qui déterminent l’innovation et l’investissement énergétiques, ils sont plus que jamais attendus au tournant quant à la voie à suivre. 

Nous devons nous concentrer sur les émissions qui sont « bloquées » dans les systèmes existants. Au cours des 20 dernières années, l’Asie a représenté 90% de la totalité des nouvelles capacités de charbon construites dans le monde, et ces centrales ont potentiellement une longue durée de vie opérationnelle. Le WEO de cette année examine trois options pour réduire les émissions du parc de charbon mondial existant : moderniser les installations dotées d’équipements de captage, d’utilisation et de stockage du carbone ou d’un système de co-combustion de la biomasse ; les réorienter de manière à mettre l’accent sur l’adéquation et la flexibilité du système ; ou de les retirer plus tôt. En somme pour aller vers le scénario de développement durable, cela nécessite de réduire drastiquement les émissions des installations déjà présentes et de ne pas en créer de nouvelles. A l’heure où les nouveaux projets de Centrale à Charbon sont encore très présents, le scénario développement durable ressemble plus à un vœu pieu qu’à une trajectoire crédible… A moins d’un sursaut imminent et généralisé de tous nos gouvernements ?