Depuis l’adoption par la France de l’Agenda 2030 en 2015, de nombreux acteurs français, publics et privés, s’illustrent dans leurs engagements pour les Objectifs de Développement Durable (ODD) mais beaucoup échouent à faire converger leurs actions. Chacun de leur côté, les entreprises et les investisseurs construisent des reportings complexes sans que leurs données respectives ne soient corrélées, faisant des ODD un langage commun peu vecteur de dialogue. C’est le constat issu d’une étude « Les ODD, un rendez-vous manqué ? », réalisée par B&L évolution et Novethic, qui analyse comment les entreprises du SBF120 et les 100 plus gros investisseurs institutionnels français s’emparent des ODD.

L’étude porte sur l’analyse des documents de référence de l’année 2018 des entreprises du SBF120, complétée par un questionnaire directement envoyé aux directrices et directeurs RSE de ces 120 entreprises de l’indice. Côté investisseurs, tous les documents publics ont été analysés jusqu’en juillet 2019. Le panel, composé d’investisseurs institutionnels français soumis à des obligations de reporting sur l’intégration de critères ESG, a également répondu à nos questions.

Les ODD devraient permettre aux entreprises et investisseurs de s’accorder sur un plan d’actions commun

Les entreprises cotées commencent à être sollicitées par leurs parties prenantes dans l’évaluation de leur contribution aux ODD. Elles déclarent être principalement interrogées par les investisseurs et agences de notation qui intègrent progressivement les ODD dans leurs analyses. Ces derniers constituent donc des acteurs majeurs pour encourager les entreprises à contribuer aux ODD. Reste encore aux acteurs économiques et financiers à traduire de façon opérationnelle ces objectifs et d’en assurer l’évaluation et le suivi !

Pourtant, alors que les entreprises indiquent intégrer les ODD dans leur stratégie en réponse aux demandes des investisseurs, ces derniers expliquent ne pas trouver les informations qu’ils recherchent dans la communication des entreprises. Ce malentendu est forcément un obstacle sur le chemin de la réalisation des ODD. Il est donc nécessaire pour ces deux acteurs de co-construire des méthodologies de suivi ; d’évaluation des impacts des activités économiques sur les ODD et de définir ensemble des priorités d’actions.

Entreprises et investisseurs reproduisent les mêmes erreurs et n’atteignent pas les ODD !

Anne-Catherine Husson-Traoré, Directrice Générale de Novethic, le dit, « les entreprises et investisseurs reproduisent les mêmes erreurs sur les ODD que ceux qu’ils ont commis sur la RSE et l’ISR : ils construisent chacun de leur côté des reportings complexes et des indicateurs de suivi et d’impact qui ne se répondent pas forcément ». A quoi sont dues ces erreurs ? Quels sont les freins au dialogue entre entreprises et investisseurs ?

Les entreprises ayant répondu à notre questionnaire ont identifié un ou plusieurs freins à leur contribution aux ODD. Le frein majoritaire concerne le manque de complémentarité entre les 17 objectifs mondiaux et les référentiels RSE (ISO 26000, GRI…). Elles sont plus de 65% à penser que les démarches RSE ne permettent pas de mieux intégrer les ODD. Pourtant, la RSE et les ODD sont des outils incontournables pour mieux intégrer les enjeux environnementaux, sociaux et sociétaux et suivre cette intégration dans une stratégie d’entreprise.

Les directions générales ne semblent pas insensibles aux ODD mais tardent encore à sensibiliser et mobiliser leurs collaborateurs sur cette thématique. Les entreprises pourraient s’inspirer des pratiques de TF1 par exemple pour qui, grâce aux ODD « la RSE devient concrète pour les collaborateurs », ou de Sanofi, entreprise au sein de laquelle les ODD « correspondent à des engagements volontaires et permettent d’illustrer ces engagements ». La première a ainsi revue sa stratégie RSE à partir des ODD et la seconde suit sa contribution chaque année aux ODD qu’elle a identifié comme prioritaires.

La lutte contre le changement climatique, une priorité pour tous les acteurs

L’étude a permis d’identifier les ODD les plus cités par les acteurs financiers et économiques. Sans surprise c’est l’ODD 13 sur le changement climatique qui caracole en tête des thématiques prioritaires parmi les 17 ODD, avec l’ODD 8 sur le travail décent, une constante depuis 2015

L’actualité accroit sûrement l’engouement des acteurs pour l’ODD 13 ; Les marches pour le climat, les prises de parole assumées de Greta Thunberg ou Cyril Dion, ou encore la sortie des Etats-Unis de l’Accord de Paris sur le climat sont autant de nouvelles qui attisent les débats. Nous devrions utiliser cette synergie sur des sujets de grande ampleur pour avoir plus d’impact auprès des décideurs et atteindre les ODD. Les acteurs de la société civile font toujours plus preuve de leurs attentes vis-à-vis des décideurs. La publication du Manifeste pour un réveil écologique, l’appel des dirigeants d’établissements à former les étudiants aux enjeux climatiques et écologiques du Shift Project ou encore la tribune de la CPU, la CGE et la CDEFI qui s’engagent à contribuer activement à la réalisation des ODD mettent également en avant les exigences écologiques des étudiants, futurs employés de ces entreprises qui tardent à s’engager concrètement.

Du côté des territoires aussi, les collectivités initient des démarches intégrant les ODD. Si quelques territoires se distinguent, l’émulation n’est pas encore d’actualité… Ces 17 enjeux doivent s’intégrer dans les dynamiques territoriales. Parmi les priorités de la feuille de route nationale, l’action en faveur du climat, de la planète et de sa biodiversité passe par la sobriété carbone et l’adaptation au changement climatique ainsi que par l’économie des ressources naturelles et la reconquête de la biodiversité.

« Si nous ne voulons pas que ce texte soit une stratégie de papier, trois points me semblent essentiels. D’abord, de reconnaître ensemble que l’Agenda 2030 est notre référentiel commun du développement durable. Ensuite, de fédérer une communauté d’actions pour les ODD. De l’individu au collectif. Et pour cela les territoires seront indispensables. Enfin, il nous faut faire de l’Agenda 2030 un outil d’évaluation et de débat, et y associer les citoyens et les parlementaires pour nourrir le débat démocratique« , a déclaré la ministre Élisabeth Borne lors de la présentation de la feuille de route. Il n’y a plus qu’à !