Les 13 et 14 septembre derniers s’est déroulée la 15ème édition du salon Produrable, avec pour thématique « L’heure des choix ! ». Quelles solutions s’offrent aux entreprises pour accélérer la transition écologique et entreprendre une véritable transformation ? Décarbonation, décroissance, rupture, radicalité… Des termes forts qui ouvrent la voie à de nouveaux modèles économiques plus vertueux pour intégrer les enjeux actuels et espérer une régénération. Que retenir de cette rencontre 2022 ? BL évolution a organisé 3 tables-rondes dont les principaux points sont dévoilés ci-dessous.
La démarche de sobriété passe par la construction d’une stratégie bas-carbone crédible
Afin de réduire l’impact de la crise écologique, et notamment énergétique, il est nécessaire d’entrer dans une véritable démarche de sobriété, à la hauteur des enjeux. Comment intégrer la sobriété dans le monde économique ? C’est la question que BL évolution a posée à 3 entreprises – La Mutuelle Générale, Lunabee et Pierre Martinet. Elles ont notamment pris en compte leurs parties prenantes dans la définition de leur feuille de route pour le climat et reconfiguré leur proposition de valeur pour qu’elle soit plus soutenable.
- Depuis 2018, la Mutuelle Générale a réalisé un travail sur la transition écologique, avec un BEGES effectué en 2021. L’entreprise a identifié les postes émetteurs (achats, déplacements, investissements financiers…) et ainsi défini un plan d’actions inspiré du référentiel SBTi. Pour repérer les actions possibles, il est important d’impliquer les différentes parties prenantes sur des postes significatifs. « Le travail en ateliers a permis d’impliquer plusieurs personnes et ainsi les responsabiliser et les rendre autonomes, notamment sur la collecte de données », explique Marie-Hélène Péjoine, responsable RSE.
- Le studio Lunabee s’est lancé, quant à lui, dans la sobriété numérique en créant des applications mobiles qui ont un impact et qui répondent à un usage clair (une application réalisée : Tous anticovid). Le studio a d’abord réalisé un bilan carbone pour connaitre les enjeux puis mis en place des actions en interne (achats de matériels reconditionnés, par exemple). « La réelle action à entreprendre est de mesurer l’activité réseau (usages des utilisateurs) et de calculer le volume téléchargé, qui peut parfois être difficile à mesurer.», explique Olivier Berni, co-fondateur.
- Le traiteur Pierre Martinet a réalisé un bilan carbone il y a quelques années avant de démarrer aujourd’hui une feuille de route alignée avec la stratégie d’entreprise. Un vrai travail a été entrepris avec l’équipe opérationnelle, notamment les dirigeants. La direction s’est engagée pour que la démarche soit rapide et séquencée, en dégageant par exemple du temps aux équipes. Pour les impliquer les collaborateurs et collaboratrices, le groupe a proposé un suivi de la démarche ACT Pas-à-pas puis une formation (pour connaitre l’impact, échanger avec des experts…). « Il y avait un gros besoin de sensibilisation pour mieux faire passer les messages clés. Pour fédérer les équipes et que ça rentre dans leur quotidien, des travaux en ateliers ont été organisés avec BL évolution, avec l’équipe RSE mais aussi les industriels dont l’équipe achats », explique Christine Renard, directrice RSE et environnement.
La TNFD, cadre stratégique et opérationnel qui renouvelle l’approche des sujets de nature et de biodiversité
La TNFD – Taskforce on Nature-related Financial Disclosures – propose un cadre de reporting des risques biodiversité pour les entreprises et institutions financières, en leur permettant d’analyser les risques et opportunités liés à la nature. Le groupe de travail propose 12 piliers de recommandations basés sur la gouvernance, la stratégie, la gestion des risques et les outils de mesure et objectifs.
L’approche d’évaluation LEAP (Locate Evaluate Assess Prepare) est une méthode qui permet d’accompagner les organisations dans l’analyse de leur dépendance et impact, notamment au niveau de la mobilisation des parties prenantes. La TNFD apparait comme un cadre incontournable qui renouvèle l’approche des sujets de nature et biodiversité sous un angle plus stratégique et opérationnel.
BL évolution a présenté ses méthodes pour accompagner l’usage du référentiel TNFD. Les structures invitées : LVMH, Schneider Electric et BPI France ont expliqué quel était leur intérêt de prendre le sujet TNFD à bras le corps.
- L’enjeu principal pour LVMH était de sensibiliser et installer le sujet au sein de l’entreprise, et surtout d’asseoir cette sensibilisation que l’entreprise est en lien direct avec la biodiversité. Le groupe a installé la biodiversité dans la cartographie des risques : « Faire rentrer la biodiversité dans les cadres existants c’est la bonne méthode. Il faut rajouter de la due diligence biodiversité dans toutes nos pratiques.« , explique Hélène Valade, responsable RSE. Egalement présidente de l’ORSE, elle fait mention d’un groupe de travail lancé qui a travaillé sur la publication d’une étude qui fait la synthèse de la maturité des entreprises du CAC40 sur la biodiversité. Elle précise : « on est à mi-chemin, les acteurs financiers s’emparent du sujet sur des actions biodiversité« .
- Chez Schneider Electric, on parle plutôt de « localisation » pour faire l’articulation entre impact et dépendances des risques et approvisionnements. L’outil IBAT a été utilisé pour évaluer les risques auxquels le groupe est exposé vis-à-vis des espèces en danger, ce qui leur a permis de travailler sur site avec des entités locales. L’entreprise a également réalisé un vrai travail de vulgarisation de la biodiversité, comme fait pour le climat : « c’est essentiel pour une société de notre secteur, avec des impacts moins réels mais existants, de travailler sur le sujet biodiversité, de comprendre et de faire le premier pas pour ancrée le sujet chez nous« , explique Daniele Buffano. La vulgarisation s’est élargie avec un travail sur la gouvernance, en sensibilisant les employés et le leadership pour savoir parler d’impact et de dépendances des ressources.
- Ce que pense BPI France du niveau de maturité des entreprises sur le reporting de leurs impacts et de ceux de leur chaîne de valeur : « BPI France investit dans des entreprises de petite taille et cotées mais ça reste parfois compliqué d’avoir de l’information, et surtout de l’information publique utilisable par les investisseurs, notamment sujet climat (et scope 3 sur la chaine de valeur). […] C’est notre responsabilité de vous demander si vous faites quelque chose sur le sujet. Il nous semble important de poser ces questions, non pas pour sanctionner mais pour que ces questions soient posées.«
La double matérialité, méthodologie pour prioriser les risques et enjeux RSE
L’ancienne directive NFRD sur le reporting extra-financier des entreprises devient la CSRD, modifiant ainsi les exigences actuelles en matière de reporting extra-financier, introduisant des changements importants dont le principe de double matérialité.
La double matérialité émerge aujourd’hui comme une nouvelle pierre angulaire des standards et réglementations en matière d’information extra-financière, notamment dans le cadre de la proposition de réglementation européenne CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive). Elle est formalisée dans les textes européens (les normes de reporting de durabilité sont en cours d’élaboration).
A travers cet atelier, BL évolution présente les nouveautés méthodologiques et stratégiques de ce principe qui s’impose. EDF, le Crédit Agricole et le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires expliquent ce qu’implique ce principe de double matérialité et comment appréhender cette évolution méthodologique.
- EDF a d’abord réalisé un travail d’objectivation des impacts environnementaux avec BL évolution avant d’exécuter un exercice de double matérialité (impact sur la priorisation des enjeux). « En quoi nos activités dépendent de la nature ? Nous avons adopté une approche plus structurelle et exploré les questions de modèle d’affaire« , explique Alexandre Marty.
- Au Crédit Agricole, la RSE est intégrée dans tous les départements. En interne, les parties prenantes travaillent main dans la main ce qui prouve que la RSE est inscrite partout. Les enjeux RSE vont impacter les activités et influencer les risques : « On va regarder les enjeux les plus impactants (selon risques et dépendances) parmi tous les départements« , explique Guillaume Finger. Les parties prenantes sont également impliquées dans cet exercice de matérialité : « On contacte toutes les parties prenantes internes et externes (société civile par exemple) pour leur demander leur vision et donner des notes sur chaque enjeu défini. » poursuit-il. Pour les parties prenantes, c’est un sujet de préoccupation.
- « L’exercice de reporting et de double matérialité n’est pas une fin en soi. Il doit accompagner la gouvernance (la notion de parties prenantes élargie doit être largement prise en compte par les entreprises). », indique Isabelle Richaud, du commissariat général au développement durable, ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires. La CSRD donne un cadre de transparence et homogène pour les entreprises : « il y a un besoin de normalisation (intérêt de la CSRD) même si l’exercice est propre à chaque entreprise qui l’adapte« . La nouveauté européenne est que les informations de la CSRD seront soumises à un audit. Elle poursuit : « Il n’y a plus de séparation entre risques et impacts, d’après le nouveau terme donné, on parle de durabilité et non plus de reporting extra financier.«
Le salon Produrable était un bel évènement dynamique où se sont rencontrés divers acteurs, à la fois des experts engagés et des entreprises – dont certaines font preuve d’une grande maturité sur les sujets de l’économie durable. Une chose à retenir : il faut accélérer plus que jamais la transformation des entreprises. Comme il a été dit lors de ce grand rendez-vous « il n’y aura pas de transformation sans courage » alors osons choisir, osons prendre des risques, osons les ruptures !