La Convention sur la Diversité Biologique (CDB), adoptée à Rio de Janeiro en 1992, définit un cadre concernant la préservation de la biodiversité. Aujourd’hui, 193 pays ont ratifié la CDB. Elle s’appuie sur trois enjeux :
- La conservation de la biodiversité
- L’utilisation durable des ressources
- Le partage juste et équitable des avantages issus de l’utilisation des ressources génétiques
Le mécanisme d’accès et de partage des avantages (APA) répond au 3ème objectif de la CDB. Il s’intéresse à la relation entre fournisseur et utilisateur de ressources génétiques et de savoir-faire traditionnel associé. En pratique, il n’est plus possible d’utiliser les ressources génétiques d’un pays sans son accord préalable et sans contrepartie, monétaire ou non. Cette contrepartie devrait contribuer à la préservation de la biodiversité et la gestion durable des ressources.
De nombreux secteurs sont concernés :
- Recherche académique : accès à des ressources génétiques à des fins taxonomiques (description des espèces)
- Industrie pharmaceutique : développement de médicaments pour le traitement des maladies (cancers, maladies tropicales, obésité)
- Industrie cosmétique : développement de produits cosmétiques à partir de plantes par exemple, y compris sur la base de connaissances traditionnelles
- Horticulture ornementale : développement de nouvelles variétés ornementales à partir d’espèces exotiques
Illustration :
Utilisation d’une ressource génétique et d’un savoir-faire traditionnel : Lors d’une expédition dans les Ghāts occidentaux, une équipe panindienne du Jardin botanique tropical et Institut de recherche du Kerala (TBGRI) à la recherche de nouvelles plantes a remarqué que ses guides, appartenant à la tribu locale des Kani, ne se sentaient pas fatigués alors que les chercheurs étaient épuisés. Les guides mâchonnaient les baies d’une plante inconnue. Les plathis (les médecins des Kani) sont les seuls détenteurs exclusifs du savoir médicinal traditionnel de la tribu. D’après les coutumes tribales Kani, seuls les plathis ont le droit de transférer et de diffuser ce savoir. Bien que cela leur soit interdit, les guides ont tout de même révélé la plante d’où provenaient les baies aux chercheurs. Des études ont ensuite permis d’isoler des composants médicaux prometteurs, dont l’un a été breveté en Inde en 1996. Le Jeevani a ensuite été commercialisé en Inde, suite à la concession des licences de fabrication du TBGRI à plusieurs entreprises.
Partage des avantages : Le Kerala Kani Samudaya Kshema Trust (fonds d’affectation spéciale pour les Kani du Kerala) a été établi à la fin des années 80 pour récompenser les populations qui connaissaient les bienfaits de la plante et qui ont contribué au maintien de cette espèce sauvage. Ce fonds est financé par un pourcentage des recettes découlant de la concession de licences aux entreprises. Il vise de nombreux objectifs d’aide sociale et de développement communautaire en faveur des Kani du Kerala, tels que l’implantation d’une cabine téléphonique dans des lieux reculés, une couverture d’assurance pour les femmes enceintes et un régime d’assurance-vie.
Préservation de la biodiversité : Suite au succès de la commercialisation du Jeevani, une production à grande échelle a voulu être mise en place. Cependant, le Département des forêts d’Inde, soucieux de la préservation de ses ressources naturelles a interdit l’exploitation de l’Arogypaacha. Une solution leur a été proposée : le TBGRI s’engage à fournir aux Kani les graines nécessaires à la culture des plantes et achète ensuite les feuilles récoltées, la plante étant pérenne donc plusieurs récoltes annuelles étant possibles. La solution proposée et adoptée est donc durable et garantit aux Kani un revenu supplémentaire issu de la vente des feuilles.
L’accord sur le partage des bénéfices entre le TBGRI et les Kani a été présenté comme un modèle pour des accords du même genre dans le monde.
Malheureusement, peu de pays ont mis en place ce mécanisme d’accès et de partage des avantages issus de l’utilisation des ressources génétiques. Des négociations se sont alors tenues à partir de 2004 pour aboutir en 2010 à l’adoption du protocole de Nagoya, lors de la 10ème Conférence des Parties.
Le protocole de Nagoya repose sur trois piliers : l’accès, le partage des avantages et le respect des règles nationales et contractuelles. Il vise les ressources génétiques, leurs composés génétiques et biochimiques ainsi que les connaissances traditionnelles associées à ces ressources. Il contient aussi plusieurs dispositions visant la participation effective des populations locales et autochtones dans la procédure d’APA.
L’adoption du protocole de Nagoya permet d’instaurer un cadre international à l’APA. Les États Parties doivent décliner le protocole en droit national.
La France abrite une extraordinaire biodiversité en Méditerranée et dans les départements et région d’Outre Mer mais aussi dans les collections scientifiques qui comprennent plusieurs milliers d’échantillons. Cette biodiversité est un atout pour la France, elle se doit de la préserver. La loi cadre biodiversité, attendue pour la fin d’année 2014, devrait transposer dans le droit français le protocole international de Nagoya et par conséquent le mécanisme APA.
Léa Terraube