Le rapport « La biodiversité, une opportunité pour le développement économique et la création d’emploi » vient de paraître.
Il a été rédigé par l’expert Emmanuel Delannoy, à la demande de Madame la Ministre de l’Environnement, de l’Energie et de la Mer et au sein d’un groupe de travail dont Sylvain Boucherand était membre. Celui-ci a travaillé particulièrement sur la dépendance des secteurs économiques à la biodiversité.
Le contenu du rapport a été dévoilé aujourd’hui, lors de la 1ère édition du Forum biodiversité et économie « Vers une économie engagée pour la biodiversité ». Une plénière lui était consacrée : « Présentation des conclusions du Rapport Delannoy ».
Constat et objectifs
La biodiversité « contribue largement à l’économie française », mais le secteur français de la biodiversité – « dont les compétences et le savoir-faire des acteurs sont pourtant reconnus internationalement » – a du mal à se structurer. Le groupe de travail précise que sa valeur « ne peut en aucun cas être réduite à son utilité économique, présente ou future » ! La biodiversité a « une valeur propre, indépendamment de toute utilité, et ce à chacun de ses niveaux d’expression ».
Le rapport a pour objet de présenter :
- La contribution de la biodiversité à l’économie française,
- Un état des lieux du « secteur français de la biodiversité » et
- Des propositions.
On retiendra par exemple que les secteurs économiques qui dépendent fortement de la biodiversité génèrent près d’1,5 million d’emplois (soit environ 10 % du total des emplois) et 275 milliards d’euros de chiffre d’affaires, dont 82 milliards d’euros à l’export. De même le rapport estime que 80% des emplois français seraient impactés par une forte dégradation des fonctionnalités écologiques.
Les activités directement liées à la protection de la nature génèrent à elles seules 35 000 emplois et contribuent au PIB national à hauteur de 2,5 milliards d’euros. Chaque million d’euros investi dans la protection ou la restauration de la nature génère en moyenne 19 emplois non délocalisables. De quoi convaincre…
Synthèse des propositions
Les 22 propositions du Rapport Delannoy peuvent être regroupées en 5 grandes catégories :
Orienter la commande publique
- Favoriser l’allotissement des marchés dans tous les cas où les capacités des collectivités le permettent,
- Élargir les dispositions des marchés globaux de performance au champ de la biodiversité et encourager l’organisation de dialogues compétitifs afin de favoriser l’innovation,
- Intégrer à la rédaction des marchés des critères « biodiversité »,
- Intégrer une ligne de prix « biodiversité » dans les marchés de travaux publics,
- Autoriser systématiquement les variantes dans les marchés publics,
- Préciser les modalités d’application de la loi MOP (loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée) afin de prendre en compte les impacts sur la biodiversité,
- Former les rédacteurs de marchés publics aux pratiques favorables à la biodiversité,
Orienter la commande privée
- Évaluer les labels, référentiels achats responsables et outils RSE pour diffuser une information validée aux acteurs économiques,
- Faire appliquer systématiquement et dans des conditions de transparence garanties la séquence ERC (Éviter, Réduire et Compenser) à l’ensemble des projets, y compris aux petits projets, selon une règle de proportionnalité. Saisir l’AFB (Agence française pour la biodiversité) d’une réflexion, en concertations avec les acteurs, sur un dispositif opérationnel innovant,
- Éviter les projets redondants et prévenir les impacts cumulatifs en favorisant les regroupements de projets à l’échelle territoriale. Regrouper le plus en amont possible l’ensemble des études d’impacts et apporter un accompagnement administratif personnalisé aux collectifs de porteurs de projets,
- Reconnaître formellement et garantir l’expertise écologique des ingénieurs écologues et des taxonomistes indépendants ou salariés,
Orienter la commande des particuliers
- Diffuser au grand public une information pertinente sur les labels existants et tenir à jour une liste d’entreprises certifiées,
- Conditionner les abattements fiscaux et/ou appliquer un taux de TVA réduit pour les travaux de jardinage écologique réalisés par des entreprises certifiées,
- Créer un portail recensant les initiatives favorables à la connaissance ou à la gestion durable de la biodiversité dans les secteurs agricoles et touristiques,
- Lancer un appel à projet ou un hackathon « nudges et biodiversité »,
- Officialiser un statut de réserves naturelles privées sous condition d’un cahier des charges dont l’application serait contrôlée par des associations accréditées par l’AFB,
Structuration du secteur
- Créer un cluster interprofessionnel biodiversité,
- Créer une marque commune à l’ensemble des acteurs du secteur afin d’assurer une meilleure visibilité internationale du savoir-faire français en matière de biodiversité,
Propositions transversales
- Saisir l’AFB, en partenariat avec l’ADEME, du sujet de l’écoconditionnalité,
- Pérenniser le financement des associations de protection de la nature et créer les conditions d’un véritable contre-pouvoir indépendant,
- Réaliser des démonstrateurs de l’état de l’art en matière de génie écologique. Ces démonstrateurs pourront soit être restitués aux collectivités concernées, soit être valorisés en tant « qu’actifs écologiques » dans le cadre de la compensation par l’offre et
- Refondre la fiscalité et le dispositif d’aides publiques, en appliquant les recommandations du rapport sur les aides publiques dommageables à la biodiversité, et viser une inversion des régulations pour reporter la fiscalité pesant sur le travail et les investissements vers une fiscalité portant sur les consommations d’espace, la fragmentation ou l’artificialisation des milieux naturels et les consommations d’énergies et de matières premières.
Pour plus de détails, nous vous invitons à lire le rapport… et surtout à mettre en œuvre les propositions !