Donald Trump a réussi à maintenir le suspense jusqu’au bout. Avec sa décision de retirer les Etats-Unis de l’Accord de Paris sur le climat, le président américain met fin à plusieurs années de négociations. Pour autant, cette annonce renforce la responsabilité d’agir de chaque citoyen, entreprise ou collectivité.
L’annonce sonne comme un coup de massue. Peu après 21 heures (heure de Paris), jeudi 1er juin, Donald Trump a officiellement déclaré, depuis la Maison Blanche, le retrait des Etats-Unis de l’Accord de Paris sur le climat. « J’ai été élu pour représenter les habitants de Pittsburgh, pas de Paris », a-t-il déclaré pour se justifier. Il en avait fait une promesse lors de sa campagne présidentielle, dans l’objectif de « Rendre sa grandeur à l’Amérique », avait-il alors clamé. Depuis son élection il avait mis à mal les actions entreprises par Barack Obama pour lutter contre le réchauffement climatique. En mars dernier, l’actuel président américain avait signé un « décret sur l’indépendance énergétique », annonçant la fin des mesures sur le climat. Depuis son arrivée au pouvoir, il n’a pas caché son souhait de voir se développer les énergies fossiles.
Après plusieurs mois d’attente quant à la position de la nouvelle administration américaine vis à vis de l’accord de Paris, les choses sont donc claires : les Etats-Unis se retirent de l’Accord et cessent tous leur financement au fond vert pour le climat. En ligne de mire : les emplois américains dans l’industrie charbonnière et pétrolière. Selon Donald Trump, «Washington a conclu un accord au détriment des Etats-Unis», il fallait en sortir. A demi-mot, le président américain accuse également les autres signataires de l’Accord, Europe, Chine et Inde en particulier qui seraient les grands gagnants de cet Accord sur le plan légal et économique au détriment du peuple américain. Ce faisant, Donald Trump ne ferme cependant pas la porte à un retour des Etats-Unis dans les négociations à condition que l’Amérique y trouve son compte.
Même si cette annonce était attendue depuis l’élection du président républicain, c’est un petit séisme qui secoue la communauté internationale. Quelles conséquences faut-il attendre de ce retrait ?
Il nous reste 5 ans pour agir
Le problème du changement climatique ne se réglera de toute façon pas par un texte unique. Les engagements des Etats, dans leur grande majorité, sont en deçà des nécessités pour rester sous les 2°c de réchauffement climatique.
D’après l’ONG Climate Action Tracker, les politiques menées par l’ensemble des Etats avant l’Accord de Paris nous menaient sur un chemin entre 3,3°C et 3,9°C. L’Accord de Paris avait réussi à resserrer l’ambition internationale en-dessous de 2°C mais son application concrète prévoit à l’heure actuelle une hausse de la température comprise entre 2,5°C et 2,8°C. Ce texte n’était donc que la première pierre d’un édifice qui sera long et compliqué à construire. Pourtant, l’urgence est là puisque la science nous dit que l’humanité a environ 5 ans pour inverser la dynamique du changement climatique et limiter ses effets à 2°C par rapport au début de l’ère industrielle.
Le chemin pour parvenir à changer nos modèles de productions et les rendre plus vertueux sera semé d’embûches et le retrait des Etats-Unis permet dès maintenant de tester la robustesse de l’Accord de Paris et des engagements des différentes parties.
La fin de la lutte contre le changement climatique ?
Si le retrait de l’Accord de Paris revêt une symbolique forte, n’oublions pas qu’il ne s’agit que d’un texte d’engagement commun. L’administration Trump a déjà, par ses actes, montré un désintérêt profond pour la question. Assurément, les réactions chinoise et indiennes plus incertaines que celle de l’administration Trump seront décisives. Deux scénarios se profilent. Le gouvernement chinois peut assumer son leadership et profiter de cette occasion pour entrer dans l’Histoire comme la grande puissance qui aura mené de front la lutte pour la survie de l’humanité tout en assurant à ses entreprises des relais de croissances importants dans la transition énergétique (rappelons que la Chine est leader de la production de panneaux solaires). Cependant, le scénario du pire n’est pas inenvisageable : la Chine peut également décider de se retirer de l’Accord considérant qu’il s’agit d’un handicap économique trop important si les Etats-Unis n’en assument plus la responsabilité. Ce double retrait des deux premières puissances économiques mondiales et des deux pays les plus émetteurs de gaz à effet de serre risquerait d’entraîner l’abandon massif de l’Accord de Paris par effet domino. Ainsi, la dynamique politique observée depuis quelques années retomberait au point mort et serait quasiment impossible à relancer dans les cinq ans à venir, horizon à partir duquel la limitation du réchauffement climatique à 2°C deviendrait impossible.
Toutefois, plusieurs éléments poussent à l’optimisme. La Chine devrait soutenir l’Accord de Paris (au même titre que l’Union européenne) lors d’un sommet qui se tiendra vendredi 2 juin à Bruxelles. Selon un haut responsable européen, une déclaration commune sur le changement climatique sera publiée, « dans laquelle l’UE et la Chine, en tant que principaux émetteurs de CO2, vont affirmer qu’ils mettront en oeuvre l’accord », a-t-il ainsi déclaré à la presse sous couvert d’anonymat.
Ce retrait est un moindre mal
Concrètement, ce retrait n’aggrave pas la dynamique qui est à l’oeuvre depuis l’élection de Donald Trump. Sans sortir de l’Accord de Paris, l’administration américaine pouvait décider de supprimer ses financements au fond vert et développer des politiques énergétiques contraires à ses engagements puisque cet Accord n’est pas juridiquement contraignant. Au contraire, en quelque sorte cette annonce clarifie la situation puisque on pouvait craindre que les Etats-Unis restent dans l’Accord pour en paralyser la mise en oeuvre et le renforcement. Ainsi, en se retirant des négociations Donald Trump s’isole et perd une grande partie de son pouvoir d’influence sur la suite de la lutte contre le changement climatique à l’échelle internationale.
Un nouvel élan pour l’Europe
Historiquement, l’Europe a joué un rôle de moteur dans la prise de conscience internationale sur le changement climatique. Pionnière dans les années 1990, elle avait créé un marché carbone et développé les premières politiques de transition énergétique. Depuis une dizaine d’années, cet élan s’est essoufflé. Les nouvelles ambitions européennes ne sont plus à la hauteur des enjeux. En dehors du rôle de chef d’orchestre joué par la France pour assurer un accord diplomatique sur le climat, l’Europe a perdu son leadership sur la question climatique depuis quelques années et cela se ressent sur la scène internationale. Le retrait de Donald Trump est donc une occasion pour l’Europe de redevenir un leader en la matière et d’ouvrir la voie vers un monde décarboné.
Le poids de la société civile américaine
Les réactions de la société civile, des ONG, des collectivités mais surtout des entreprises américaines face aux mesures prises par l’administration Trump témoignent que des acteurs stratégiques de notre société commencent à prendre en main la lutte contre le changement climatique.
Plusieurs organisations de la société civile américaine comme le Maire de New York ou le gouverneur de Californie ont d’ores et déjà réagi à l’annonce de leur président en s’opposant à cette décision. Au total, une douzaine d’Etats américains, une centaine d’universités et de nombreuses ONG américaines ont d’ores et déjà annoncé qu’ils appliqueront tout de même l’Accord à l’échelle de leur collectivité et ont demandé à constituer une coalition non officielle pour participer aux prochaines négociations climatiques.
Depuis plusieurs mois, les entreprises américaines mettent aussi de plus en plus la pression sur l’administration américaine car elles ont compris l’intérêt de lutter contre le changement climatique plutôt que d’en subir les conséquences. Blackrock, plus grand gestionnaire d’actifs financiers au monde, prend position depuis plusieurs années contre le changement climatique car le climat est désormais identifié comme le principal risque de déstabilisation économique. Mercredi 31 mai, les actionnaires d’Exxon ont voté à 62% pour forcer la compagnie pétrolière américaine à publier les liens entre ses activités et le changement climatique car le risque économique et juridique était devenu trop grand. Il y a quelques jours, un rapport de l’OCDE confirmait que la lutte contre le changement climatique était bon pour la croissance.
Même avec toute la volonté du monde, Trump ne peut pas aller seul contre le sens de l’Histoire et contre les différentes forces de sa société civile. L’abandon de Donald Trump face au changement climatique n’est pas l’abandon de l’ensemble des Américains.
Un changement dans l’équilibre des pouvoirs
En novembre 2016, la COP22 a Marrakech avait montré un effacement de l’importance des accords politiques tels que l’Accord de Paris face à la mobilisation de l’ensemble de la société civile. Rappelons que c’est l’intégration de la société civile (ONG, collectivités, responsables religieux, entreprises, citoyens…) dans les discussions des Nations Unies à partir de Lima (COP20) qui a relancé la dynamique des négociations. C’est la mobilisation massive de cette société civile à quelques mois de la COP21 qui a permis d’aboutir à l’Accord de Paris en décembre 2015. Le recul de Donald Trump face à sa propre société civile et celle du monde entier est donc le dernier signal qui montre que l’équilibre des pouvoirs dans la lutte contre le changement climatique est en train de changer.
Le climat n’est pas de l’unique responsabilité de Donald Trump
Aujourd’hui, plus que jamais, il est temps de réaffirmer notre volonté commune d’agir pour une société sobre en carbone. L’abandon de l’administration américaine renforce la nécessité de notre action. Le changement climatique est un phénomène planétaire qui nous affecte tous et dont nous sommes tous responsables. N’attendons pas que le président des Etats-Unis règle le problème à notre place. Ne nous contentons pas des écrits, mettons concrètement en oeuvre les mesures qui permettent de décarbonner l’économie.
Nous sommes tous des porteurs d’espoirs. Nous avons tous la capacité de devenir des vecteurs de changement. Individus, collectivités, entreprises, prenons nos responsabilités et agissons à notre échelle. Changeons nos manières de consommer, changeons nos modèles économiques. Réagissons cette sortie de l’Accord de Paris en montrant notre détermination plutôt que notre désespoir. C’est le meilleur moyen aujourd’hui de prouver à Donald Trump qu’il a tort. C’est le seul moyen de faire front face à la menace climatique.
B&L évolution continuera toujours d’œuvrer pour un monde sobre en carbone, réintégré dans les éco-systèmes et porté par les objectifs de développement durable, car c’est notre raison d’être.