La nécessité de décarboner notre économie afin de réduire son impact sur le climat n’est plus à démontrer. Cependant, de nombreux acteurs publics et privés se demandent comment réaliser une atténuation des émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) tout en continuant à exercer leur activité.

Pourquoi une stratégie climat est nécessaire aujourd’hui ?

L’évaluation des émissions de GES, par exemple à travers la méthodologie Bilan Carbone® ou GHG Protocol, permet de se faire une idée de l’impact de l’entreprise et de sa chaîne de valeur sur le climat. À partir de ce constat, il est possible d’identifier les sources d’émissions les plus significatives et de prioriser des actions de réduction. Cette démarche, intégrée aux méthodologies Bilan Carbone ® et BEGES, permet de mettre en avant les leviers d’optimisation du modèle d’affaires d’un point de vue carbone, mais se heurte souvent à un plafond de verre : les limites à la décarbonation du modèle d’affaires sont nombreuses et des modifications plus profondes peuvent être nécessaires pour réellement décarboner l’activité. C’est justement tout l’intérêt de bâtir une stratégie climat.

Ce que nous appelons « stratégie climat » correspond à une composante de la stratégie d’entreprise visant à réduire l’impact de l’activité sur le climat (atténuation des émissions de GES) et à s’adapter à un climat qui évolue (adaptation au changement climatique). Pour que celle-ci puisse être réellement mise en œuvre, elle doit faire partie intégrante de la stratégie d’entreprise, et non comme une feuille de route à part risquant de diverger par rapport aux objectifs économiques.

Une stratégie climat approfondie permet de répondre aux exigences de plus en plus élevées sur le sujet climat, que ce soit par rapport à la réglementation (par exemple, l’application de la CSRD depuis début 2024), aux cahiers des charges des clients ou des tendances marché, ou aux demandes des acteurs financiers. Mais surtout, elle permet de pérenniser l’activité de l’entreprise sur le long terme.

Comment bâtir une stratégie climat ambitieuse et réaliste avec la démarche ACT Pas-à-Pas ?

La méthodologie ACT Pas-à-Pas (développée par l’ADEME et le CDP), est une démarche complète, efficace et reconnue pour développer une stratégie climat à la fois :

  • Ambitieuse : en impliquant la direction dans la projection long terme et en prenant en compte les meilleures pratiques et références disponibles
  • Et réaliste : en impliquant les métiers et en aboutissant à une feuille de route opérationnelle.

Cette méthodologie porte aujourd’hui principalement sur la décarbonation de l’activité, mais pourrait évoluer pour inclure davantage d’éléments autour de l’adaptation au changement climatique. Les grands principes de la démarche sont néanmoins applicables à tous les volets environnementaux.

La méthodologie, appuyée par une boîte à outils dédiée, est composée des cinq étapes ci-dessous : 

Figure 1 : Les cinq étapes de la démarche ACT Pas-à-Pas

  • Analyse de la situation actuelle : L’objectif de cette étape est de réaliser un diagnostic de maturité de l’entreprise sur les sujets climat, afin de connaître le point de départ. Un questionnaire permet d’évaluer le niveau de maturité sur les 9 grands piliers de la stratégie : objectifs, investissements matériels, investissements immatériels, performance carbone des produits et services, engagement des clients, engagement des fournisseurs, engagement public de l’entreprise, modèle économique et management.

 

  • Enjeux et défis : Cette étape consiste à réaliser une analyse stratégique de l’entreprise, notamment une cartographie des risques liés au climat (risques physiques et risques et opportunités de transition sur la chaîne de valeur), afin d’avoir une première vue des enjeux à intégrer à la future nouvelle stratégie. La direction de l’entreprise est également impliquée à ce stade lors d’une formation / et ou une sensibilisation aux enjeux climatiques et de leurs liens avec l’activité de l’entreprise.

 

  • Vision : Cette phase, réalisée avec la direction de l’entreprise, consiste à définir une nouvelle vision à court (+2-3 ans), moyen -(2030) et long terme (2050) de l’entreprise dans une économie bas-carbone. Elle permet de projeter l’activité en tenant compte les contraintes et les risques et opportunités identifiés précédemment, et à formaliser les transformations générales que cela implique sur les 9 piliers stratégiques (voir étape 1). Cette vision peut également s’élargir à d’autres enjeux que la décarbonation : prise en compte de l’adaptation au changement climatique, l’intégration de la biodiversité, et/ou extension aux enjeux sociaux.

 

  • Nouvelle stratégie : Une fois la nouvelle vision établie, les axes stratégiques doivent être formalisés. L’objectif est de construire les éléments clés de la feuille de route de la stratégie climat à partir des enjeux carbone (bilan carbone, risques et opportunités, vision bas-carbone) et des piliers stratégiques sur lesquels il est possible d’agir : investissements matériels et immatériels, performance des produits et services, management, influence sur les clients, les fournisseurs, les pouvoirs publics et les modèles économiques. Il est également possible de calculer le potentiel de décarbonation de chacun des axes stratégiques et de fixer des objectifs globaux de réduction des émissions. Ces objectifs peuvent-être comparés à des référentiels tels que SBTi ou les objectifs de la Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC), et réajustés en fonction.

 

  • Plan d’action : Cette dernière étape vise à décliner la feuille de route stratégique, en construisant un plan d’action opérationnel concret, avec des indicateurs de suivi bien définis (SMART) pour faciliter le pilotage de la mise en place de la stratégie climat dans le temps.

Les outils mis à disposition pour réaliser cette démarche sont assez standardisés, mais certains peuvent s’adapter au secteur d’activité afin de prendre en compte les enjeux climatiques spécifiques à celui-ci.

Afin d’assurer l’efficacité de la démarche, de s’inscrire dans le système de reconnaissance de l’ADEME et de bénéficier de subventions aujourd’hui disponibles, un certain nombre de conditions doivent être respectées au démarrage et tout au long du projet :

  • Avant de se lancer, l’entreprise doit avoir réalisé un bilan carbone complet de son activité, une personne coordinatrice au sein de l’entreprise doit être formée à la méthode, et un ou une sponsor doit être identifié.e au sein de la direction.
  • Pendant le projet, afin de franchir des points de contrôle de la démarche, plusieurs lettres d’engagement (au démarrage, suite à l’étape 4 et suite à l’étape 5) doivent être rédigées et signées par la direction de l’entreprise pour formaliser la volonté de mettre en place la stratégie climat.

Les bénéfices de la démarche ACT Pas-à-Pas

Les objectifs premiers de ce type de démarche sont de :

  • Fournir un cadre pour se poser les bonnes questions, et les poser avec les bonnes personnes, sur la compatibilité du modèle d’affaires dans une économie bas-carbone
  • Anticiper les changements à venir, ainsi que les risques et opportunités liés au climat
  • Mettre en place une nouvelle stratégie permettant à l’entreprise d’assurer une certaine pérennité et de se différencier dans un contexte économique volatil. 

Cette démarche permet d’utiliser les enjeux climat comme donnée d’entrée de la définition d’un nouveau modèle d’affaires, dans l’ objectif d’aligner le nouveau modèle économique avec les objectifs nationaux de décarbonation.  Il est important de considérer l’aboutissement de la démarche comme un avantage concurrentiel que l’entreprise peut valoriser. D’ailleurs, un système de notation de la maturité sur le sujet climat existe à travers la méthode ACT Évaluation (et un premier score peut-être donné à la fin de la démarche ACT Pas-à-Pas).

Tout comme le bilan carbone, ACT Pas-à-Pas incite également à embarquer l’ensemble des parties prenantes dans la transition, en créant une base de dialogue à partir des objectifs internes de l’entreprise (ex : comment impliquer les clients dans la décarbonation de l’utilisation des produits, quelles devraient être les exigences de l’entreprise envers les fournisseurs, comment l’entreprise peut-elle agir auprès des pouvoirs publics pour inciter la transition collective …).  

D’un point de vue réglementaire, la bonne réalisation de cette méthode permet de répondre à de nombreux points de l’ESRS E1 de la CSRD. La Banque de France s’est également servie de la méthodologie ACT pour créer un nouvel indicateur climat qui devrait prochainement être mis en place.

Par ailleurs, il est intéressant de saisir l’opportunité qu’offre ce type de projet, qui consiste finalement à revoir la stratégie de l’entreprise, pour élargir le champ à l’ensemble des enjeux RSE.

Pour aller plus loin :

https://www.bl-evolution.com/publication/cac-40-et-ersr-e1-climat-un-reporting-a-ameliorer-a-un-an-de-lecheance/

https://www.bl-evolution.com/publication/sortir-le-systeme-alimentaire-de-sa-dependance-au-petrole-un-immense-mais-inevitable-defi/

https://www.bl-evolution.com/publication/entreprises-agroalimentaires-quelle-place-et-quels-leviers-dans-la-decarbonation-du-systeme-alimentaire/