Le secteur de l’industrie est aujourd’hui responsable de 17% des émissions de GES (Gaz à Effet de Serre) en France  et 24% des émissions dans le monde .

Un des objectifs nationaux est la réindustrialisation de la France (ex : à travers le programme France Relance), en même temps qu’une réduction des émissions de GES. Il est donc nécessaire de comprendre d’où viennent les émissions de GES dans ce secteur et de savoir quelles sont les pistes pour réduire l’empreinte carbone d’une activité industrielle. Grâce à notre retour d’expérience de nombreux bilans carbone et stratégies climat dans ce secteur, c’est ce que nous proposons de décrypter dans cet article.

D’où viennent les émissions carbones dans l’industrie ?

Les enjeux en termes d’émissions de GES d’une entreprise industrielle peuvent varier selon le type d’industrie :

  • Pour le textile, la transformation de métal et de plastique, la pharmaceutique, l’agro-alimentaire et plus généralement tout secteur dont les produits finaux ne nécessiteront pas d’énergie pour être utilisés : matières premières et leur transformation, notamment dans des pays avec une électricité fortement carbonée ou des procédés nécessitant des énergies fossiles (ex : gaz). La fin de vie peut également être importante selon les types de produits fabriqués et la façon dont sont traités les produits en fin de vie (recyclage ou non).
  • Pour un secteur dont les produits consomment de l’énergie pour fonctionner, comme l’automobile par exemple, l’utilisation des produits est souvent le poste prépondérant, avec ensuite l’impact de leur fabrication. Cela est d’autant plus vrai que le type d’énergie utilisée est d’origine fossile.
  • Pour la fabrication d’équipements IT, le premier poste peut varier selon les pays qui utilisent les équipements. En France, la fabrication (matières premières et leur transformation jusqu’aux produits finis) représente environ 80% de l’impact car l’électricité pour l’usage de ces produits a un impact carbone relativement faible. Ce ratio entre fabrication et utilisation n’est pas valable dans d’autres pays et peut même s’inverser dans des pays où l’électricité est fortement carbonée.
  • Pour les secteurs industriels plutôt en amont de leur chaine de valeur (ex : fabrication d’acier ou d’aluminium, de verre, de ciment … ) : les Scopes 1 et 2 (émissions directes et indirectes liées à l’énergie utilisée par l’entreprise) représentent souvent une grande partie de l’impact carbone total.

Bien que chaque secteur possède ses propres spécificités, les enjeux carbone dans l’industrie se retrouvent toujours autour des produits fabriqués : que ce soit les matières premières utilisées, leur transformation, l’utilisation des produits finis par les clients, et/ou parfois la fin de vie des produits.

Quelles sont les pistes pour  décarboner l’industrie dans son plan de transition ?

En partant de ce constat, nous avons listé les grands axes de décarbonation que nous retrouvons lors de nos missions dans ce secteur.

Utilisation des produits (enjeux autour de l’énergie nécessaire pour leur fonctionnement et maintenance) :

  • Efficacité énergétique des produits (moins de kWh pour la même fonction, passage de l’air comprimé à l’électrique …)
  • Nouvelles sources d’énergie moins carbonées, ex : électrification (attention à l’impact carbone de l’électricité selon les pays)
  • Sensibilisation des clients pour optimiser le fonctionnement des produits et réduire au global l’énergie utilisée pour leur fonctionnement
  • Fabrication de produits « low-tech » peu gourmands en énergie (voir plus bas pour des détails sur les low-techs).
  • Dans certains cas, la digitalisation et l’échanges de données afin de remonter de l’information sur comment sont utilisés les produits peut avoir des bénéfices en termes de carbone, car cela peut permettre d’optimiser le fonctionnement des produits en fonction des cas réels d’utilisation (modification de la conception des produits) et de faciliter l’optimisation de l’usage pour les clients (ex : radiateurs connectés pour optimiser leur usage par le client). Attention en revanche à trouver le bon équilibre entre utilité et impact carbone, car l’impact de la fabrication de matériel électronique est généralement élevé.

Matières premières et composants (impact de l’extraction des matières premières brutes et de leur transformation, ainsi que l’assemblage des composants chez les fournisseurs) :

  • Optimisation de la conception des produits et les process de fabrication afin d’utiliser moins de matière première, ou des matières alternatives
  • Compréhension de l’impact carbone unitaire des matières et des composants utilisés et tester de nouvelles matières moins impactantes lorsque c’est pertinent.
  • Accélération du passage vers l’économie circulaire : réutilisation de produits vendus et récupérés (ex : consigne), reconditionnement d’anciens produits ou mise à jour technologique de produits existants (retrofit), utilisation de matières issues du recyclé. Ces pistes permettent également de réduire l’impact carbone de la fin de vie des produits.
  • Achats responsables : intégration de critères environnementaux dans les achats, et formation des acheteurs à l’évaluation de l’impact environnemental
  • Dialogues avec les fournisseurs : calcul de l’empreinte carbone des produits vendus, collecte de bilan carbone et des plans de réduction (ex : engagements SBTi)
  • Accompagnement des fournisseurs dans leur décarbonation: travailler ensemble sur des pistes de réduction (concilier offres et demandes sur l’aspect décarbonation), investir dans des projets permettant de réduire leur impact, ex : EnR en auto-consommation chez les fournisseurs dans des pays où l’électricité est fortement carbonée, R&D commune …
  • Sourcing vers des lieux de production moins carbonés. Par exemple, l’impact de la production d’aluminium varie très fortement une production en France et une production en Asie (la production d’aluminium nécessitant beaucoup d’électricité, son impact est lié à l’intensité carbone de la génération d’électricité)
  • Dialogues avec les clients pour tester des innovations moins carbonées et s’assurer que les solutions alternatives puissent être adoptées
  • Changer de modèle vers de l’économie de la fonctionnalité : vendre l’utilisation du produit en tant que service plutôt que le produit lui-même, permettant de créer des revenus en limitant l’utilisation de ressources (moins de produits en circulation). Cela pousse à concevoir des produits qui soient réparables et avec une longue durée de vie, et permet de réduire l’impact carbone sur la partie amont (matières premières) et la fin de vie des produits.

Energie utilisées sur les sites industriels (Scopes 1 et 2) :

  • Sobriété énergétique : réduire le besoin en énergie pour un même niveau de production en travaillant sur l’optimisation des procédés de production, la réutilisation de l’énergie (ex : utilisation de chaleur fatale pour chauffer des locaux), et la chasse au gaspillage (ex : fuites d’air comprimé, appareils fonctionnant pendant des périodes de non-activité, isolation des bâtiments …)
  • Nouvelles énergies : énergies renouvelables (ex : panneaux solaires, géothermie …), électrification des procédés industriels (avec de l’électricité bas-carbone), utilisation d’hydrogène (dans certains procédés industriels comme la fabrication d’acier)

Fret : l’impact du transport occupe souvent une partie mineure dans le bilan carbone d’un industriel (sauf dans le cas d’une forte utilisation du transport aérien), mais celui-ci représente tout de même environ 15% des émissions françaises de GES, nous pouvons donc lister les leviers de décarbonation principaux :

  • Optimisation des transports : augmentation du taux de chargement des véhicules, optimisation des trajets (allers et retours), groupement des commandes, palettisation …
  • Changement du mode de transport : passage au rail (ex : via ferroutage) ou au transport maritime/fluvial, éliminer autant que possible le transport aérien, passage aux modes de transports urbains alternatifs pour le dernier km (ex : vélo cargo)
  • Changer de type d’énergie : moteurs hybrides, passage aux bio-carburants (biodiesel, biogaz …) ou à l’électrique. Attention : malgré une forte hausse ces dernières années, l’offre en bio-carburants risque d’être fortement inférieure à la demande car la capacité de production est limitée d’une part, il faudra partager entre de nombreux acteurs la biomasse disponible et enfin il faudra préserver les sols agricoles et la biodiversité.
  • Travailler avec des prestataires de transport engagés qui possèdent ou développent une stratégie de décarbonation.

Dans chaque secteur industriel, il est important de ne pas voir l’impact sur le réchauffement climatique comme le seul indicateur environnemental, et de travailler sur les autres limites planétaires (ex SBTn et TNFD) et plus largement sur les enjeux sociétaux (ex : via la CSRD, qui permet de situer sur quoi l’entreprise a de l’impact), en prenant en considération les potentiels reports d’impact (impacts positifs pour le climat mais négatifs sur d’autres indicateurs environnementaux) dans les plans de transition.

Se questionner sur l’utilité des produits :

L’industrie « verte » ne sera jamais vraiment « verte » si l’utilité sociétale même des produits fabriqués n’est pas alignée avec les limites planétaires. Par exemple, dans le cas de l’industrie automobile, l’électrification des véhicules peut être considérée comme un levier intéressant de décarbonation, mais la fabrication de véhicules très lourds (nécessitant beaucoup de matières premières à fabriquer) et énergivores n’est pas forcément alignée avec un avenir bas-carbone, ni l’idée de simplement remplacer chaque voiture thermique par une voiture électrique. Il est donc nécessaire de se questionner sur le modèle de l’entreprise et des produits vendus, et de projeter leur place dans un monde bas-carbone ou dans la transition vers celui-ci. La notion d’« entreprise régénérative » est de plus en plus étudiée. Selon la Convention des Entreprises pour le Climat (CEC), « Régénérer, c’est aller au-delà de la réduction d’impacts négatifs ou de leur neutralisation pour s’engager vers la génération d’impacts positifs nets pour les écosystèmes et la société ». Dans un monde où le Vivant est en déclin à cause des activités humaines, la régénération des écosystèmes est un impératif pour éviter l’effondrement économique.

Et la low-tech dans tout ça ?

Un produit « low-tech » est un produit considéré comme utile, accessible et durable. Il répond à des besoins essentiels (utile), est appropriable par un grand nombre de personnes via son coût et sa facilité d’utilisation (accessible), et est éco-conçu pour minimiser au global son impact environnemental, être robuste, facilement réparable et recyclable (durable). Ces principes de la low-tech sont une bonne approche pour questionner l’impact environnemental et social d’un produit. En parfaite opposition avec l’obsolescence programmée, l’application des principes low-tech permet de réduire au global le besoin en ressources ainsi que l’impact environnemental d’un usage, et peut donc avoir des bénéfices considérables sur l’empreinte carbone et biodiversité  des entreprises fabriquant les produits en question.

 

La décarbonation de l’industrie est non seulement nécessaire mais aussi une opportunité pour repenser nos modes de production en faveur de la durabilité. En adoptant des pratiques plus responsables, intégrant les principes low-tech et la régénération des écosystèmes, nous pouvons construire une industrie alignée avec les défis environnementaux actuels. Pour aller plus loin, engagez-vous dès maintenant dans une transition vers une industrie qui contribue activement à un avenir bas-carbone.