L’INITIATIVE SCIENCE BASED TARGETS (SBTI) est créé en 2015, il a pour fonction de valider si les objectifs de décarbonation déclarés par une entreprise sont alignés avec les trajectoires de réduction des émissions découlant de l’Accord de Paris. Cette démarche permet aux entreprises de vérifier si le niveau d’ambition de la stratégie de décarbonation est à la hauteur des enjeux et de valoriser celle-ci via un organisme reconnu à l’international. En 2024, près de 8 500 entreprises fixaient des objectifs ou s’y engageaient via le SBTi.
L’établissement d’objectifs fondés sur la science fait déjà partie de la pratique de déclaration annuelle des entreprises et de l’infrastructure de données pour les investisseurs institutionnels grâce à l’incorporation dans le questionnaire et la notation du CDP. Compte tenu de la prise en compte de la chaine de valeur amont et aval dans la comptabilisation des émissions (Scope 3), de plus en plus d’entreprises demandent également à leurs fournisseurs de s’engager dans une stratégie de décarbonation donc l’objectif est validé par SBTi, afin d’alimenter et de crédibiliser leur propre stratégie climat.
Quelle trajectoire de réduction compatible avec le SBTI ?
Une trajectoire carbone est un scénario décrivant les prévisions de diminution des émissions de gaz à effet de serre (GES) associées aux activités de l’entreprise. Dans la démarche SBTi, il est possible de définir une ou plusieurs cibles de réduction selon : le secteur d’activité, l’objectif temporel (court ou long terme), le type de réduction (réduction en absolu ou en relatif), le niveau d’ambition (en deçà de 2°C, 1,5°C), l’année de référence et l’année cible.
Dans le cas d’une trajectoire à horizon court terme (5 à 10 prochaines années à partir de l’année de soumission), l’objectif SBTi requiert une réduction annuelle de 4,2%/an minimum* sur les Scopes 1 et 2, et propose deux niveaux d’ambition sur le Scope 3 :
- En deçà de 2°C : – 2,5%/an (minimum)*
- Aligné 1,5°C : – 4,2%/an (minimum)*
(*) Attention, si l’année de référence est supérieure à 2020, alors l’objectif correspond à une réduction de 2,5% ou 4,2% par an entre 2020 et l’année cible, ce qui implique une hausse des efforts annuels de réduction.
Dans le cas d’une trajectoire à horizon long terme, vous devez impérativement être aligné à minima sur la trajectoire 1,5°C soit une réduction d’au moins 90% des émissions de GES d’ici 2050 ou plus tôt (selon le secteur d’activité et le choix de l’objectif à long terme).
Des trajectoires sectorielles ont été développées ou sont en cours de développement par le SBTi (cf. tableau ci-dessous) afin d’avoir une homogénéisation des trajectoires entre les entreprises d’un même secteur. L’objectif de cette sectorisation est de calibrer l’effort de décarbonation selon la part des différents secteurs dans les émissions mondiales de GES, et à travers des indicateurs d’intensité spécifiques à chaque secteur. Par exemple, pour la production d’énergie, il est nécessaire de se fixer un objectif sur l’intensité carbone de l’énergie générée, en tCO2e/MWh. Les entreprises qui n’appartiennent pas à un secteur ciblé (soit une grande majorité des entreprises engagées dans SBTi) doivent utiliser la méthode « générique » qui utilise des trajectoires plus classiques en réduction absolue ou relative (exemple : tCO2e/k€ de CA, tCO2e/produit vendu …).
Comment réaliser sa trajectoire carbone selon le SBTI?
La réalisation d’une trajectoire carbone passe par 3 étapes essentielles qui peuvent s’étendre sur plusieurs mois.
La démarche SBTi n’exige pas de détailler votre plan d’action, mais nous vous recommandons fortement de réaliser cet exercice afin de :
1) vous engager sur un objectif concret et réalisable,
2) avoir les bons indicateurs de suivi pour suivre le plan d’action,
3) être en capacité de piloter votre trajectoire suite à l’engagement.
- Formaliser un plan d’action
a) Travailler avec les différents métiers / directions afin de recueillir les actions de décarbonation en cours, prévues, ou potentielles.
b) Identifier pour chaque action les indicateurs pertinents et les objectifs à fixer avec un horizon temporel, par exemple : 50% de matière biosourcée dans les produits fabriqués à horizon 2030. Ces informations sont nécessaires pour pouvoir calculer les gains en termes de réductions d’ émissions associés à chaque action.
c) Identifier les éléments contextuels de chaque action :
i) Le périmètre d’applicabilité de l’action
ii) Les freins / leviers, investissements financiers et humains
iii) La distinction entre éléments internes (ex : investissements dans des équipements plus économes en énergie) vs. externes (ex : engagements d’un fournisseur pour réduire l’intensité carbone de X% des produits achetés)
iv) Le niveau de maturité et le degré de confiance dans l’aboutissement de l’action ou l’obtention des gains carbone
v) Les liens avec les autres actions et les potentiels cumuls des gains. Par exemple, la somme des gains (calculés de manière indépendante) de deux actions agissant sur le même poste d’émissions (telles que l’isolation d’un bâtiment et le remplacement de l’équipement de chauffage qui permettent tous les deux de réduire la consommation d’énergie) n’est pas forcément égale au gain net obtenu par la mise en place de ces deux actions de manière combinée.
d) Chiffrer le potentiel de réduction de gaz à effet de serre des actions à partir des gains de chaque action et les objectifs fixés pour chacune. Il est nécessaire de bien détailler et documenter les hypothèses et les sources d’information utilisées afin de garder une certaine traçabilité et de pouvoir réactualiser l’exercice à l’avenir.
2. Formaliser des objectifs
a) Définir le périmètre concerné par la trajectoire : pour être en ligne avec la démarche SBTi, 95% des émissions des SCOPES 1 et 2 et au moins 67% du SCOPE 3 (si ce-dernier représente plus de 40% du bilan carbone) doivent être couverts par des objectifs de réduction. Il est donc possible de se fixer des objectifs sur une partie du bilan carbone, mais cela n’exclut pas de continuer à évaluer et communiquer d’année en année sur l’ensemble des émissions (y compris celles non-couvertes par un objectif de réduction).
b) Définir une année de référence : année à laquelle la trajectoire carbone débute. Il est essentiel de bien réfléchir sur le choix de cette année afin qu’elle soit la plus représentative de votre périmètre organisationnel (toutes les entités concernées par la trajectoire sont calculées) et de votre activité (éviter notamment la période COVID par exemple où l’activité économique mondiale était généralement au ralenti) et avoir une méthodologie de calcul (outil, hypothèse…) robuste afin de pouvoir la ré-utiliser lors du suivi annuel de la trajectoire.
c) Définir un scénario « Business As Usual », qui permettra de calculer une projection des émissions de GES de l’entreprise en cohérence avec l’évolution projetée de son activité dans le futur (évolution du chiffre d’affaires, des ETPs…), et sans prise en compte d’actions de décarbonation.
d) Définir la temporalité des objectifs : objectif à horizon court-terme (5-10 ans à partir de l’année de création de la trajectoire) ou horizon long-terme (2050 ou inférieur selon l’activité de l’entreprise) et l’année cible à partir de cette temporalité.
e) Définir la méthode de calcul des trajectoires et les indicateurs associés selon la méthodologie sectorielle utilisée. Par exemple dans la méthode dite « générique », il est possible de choisir entre plusieurs stratégies sur l’engagement de réduction du Scope 3 : réduction en absolu des émissions (même si l’entreprise est en croissance), réduction en intensité carbone par donnée d’activité (k€ de CA, quantité de produits…), engagement des fournisseurs ou des clients … Il est possible de se fixer plusieurs objectifs complémentaires sur le Scope 3, mais une cohérence globale entre les objectifs est nécessaire.
3. Construire la trajectoire de décarbonation et comparaison aux objectifs SBTi
a) S’assurer que l’ensemble du plan d’action préalablement défini est cohérent avec les éléments temporels définis (année de référence, année cible) et ajuster si besoin.
b) Établir la trajectoire « Business As Usual », qui permet de visualiser une projection des émissions de GES de l’entreprise sans actions de décarbonation.
c) Intégrer le plan d’action à cette trajectoire Business-as-Usual pour construire une trajectoire de décarbonation reflétant les émissions futures de l’entreprise avec mise en place du plan d’action.
d) Évaluer l’écart entre la trajectoire de réduction de l’entreprise et les objectifs SBTi
e) En fonction du résultat, réitérer le processus en réajustant les objectifs du plan d’action, en modifiant le niveau d’ambition ou le type de cible SBTi (exemple : réduction en absolu vs. en relatif) … dans l’objectif de pouvoir s’aligner avec une ou plusieurs cibles SBTi.
Cet exercice permet également de prendre conscience de la hauteur du défi qui nous attend. Une réflexion plus profonde sur le modèle d’affaire est parfois nécessaire pour permettre un alignement de la trajectoire de décarbonation avec les objectifs SBTi. En effet, la construction d’une trajectoire de réduction permet aussi de tester des scénarios alternatifs prenant en compte de nouveaux modèles, intégrant par exemple des éléments de l’économie circulaire et de la fonctionnalité. En cas de non-atteinte des objectifs, il ne faut pas baisser les bras, mais réfléchir à quoi pourrait ressembler l’activité dans un monde bas-carbone, et comment y aller. Cela nécessite potentiellement de renoncer à certaines activités et de saisir les opportunités pour en développer de nouvelles !
4. Valoriser sa trajectoire de réduction
Si l’entreprise souhaite faire valider l’objectif de réduction défini par SBTi afin de le valoriser à travers cette démarche, alors un dossier doit être constitué auprès de l’organisme SBTi (lettre d’engagement, dossier de soumission…), qui lancera le processus d’approbation de l’objectif. Une fois le dossier validé, l’entreprise apparaîtra dans la liste publique des entreprises engagées via SBTi.
Cet engagement implique de mettre à jour annuellement le bilan de GES de l’entreprise et de le communiquer publiquement, par exemple à travers le questionnaire CDP-Carbon Disclosure Project- ou d’autres moyens (ex : rapport extra-financier). La trajectoire doit être révisée tous les 5 ans ou en cas de changement conséquent (ex : acquisitions, cessions…).
Pourquoi établir une trajectoire carbone ?
- Anticiper la réglementation à venir : Le SBTi incite à amorcer leurs réflexions et à se préparer aux futures réglementations, notamment la CSRD, qui impose aux entreprises de définir des objectifs de réduction des émissions de GES qui soient alignés à une trajectoire 1,5°C.
- Confiance des investisseurs : les investisseurs sont de plus en plus exigeants sur les informations extra-financières.
- Renforcer la fiabilité des objectifs de décarbonation : grâce à la validation de ces objectifs par une démarche reconnue et internationale qu’est le SBTi.
- Critère de choix dans les appels d’offre : plus en plus d’entreprises intègrent la démarche SBTi comme un critère de choix dans les appels d’offres. En effet, les entreprises pourront ainsi utiliser cet engagement pour réduire leur propre scope 3 amont.
- Stimuler l’engagement : Le SBTi encourage les entreprises à accroître leur implication environnementale en les confrontant à des défis concrets.
- Suivre et améliorer sa performance : Le SBTi permet aux entreprises de suivre et d’améliorer continuellement leur performance environnementale.
Nos conseils pour élaborer et piloter une trajectoire de décarbonation
- Intégrer les SCOPES 1, 2 et 3 de manière complète afin d’identifier tous les leviers de décarbonation et d’avoir une trajectoire la plus pertinente possible
- Analyser les pratiques sectorielles en termes d’objectifs de réduction, de méthodologie employée (contraction absolue, intensité, engagement des fournisseurs…)
- Développer des indicateurs de suivi pour chaque action et chaque poste d’émission de GES
- Définir des cibles complémentaires (quantitatives et qualitatives) pertinentes par activités ou catégories d’émission qui deviennent des outils de pilotage
- Intégrer les métiers/ directions dans la démarche afin qu’ils puissent se l’approprier et devenir acteurs du changement en interne
- Se rapprocher de ses parties prenantes externes (clients, fournisseurs …) pour améliorer la précision du calcul des émissions et collecter des ambitions de réduction (ex : trajectoires des fournisseurs)
- S’outiller afin de faciliter la mise à jour du bilan carbone en impliquant davantage de parties prenantes internes
- Anticiper les délais pour une publication de trajectoire auprès du SBTi (2 ans à partir de l’envoie de la lettre d’engagement)
- Considérer la trajectoire carbone comme une composante essentielle de la stratégie climat ainsi que de la gestion des risques de transition, et utiliser les degrés de confiance/maturité dans les différentes actions comme donnée d’entrée pour piloter ces risques
- Se positionner sur d’autres leviers au-delà de sa propre empreinte carbone : travailler sur les enjeux de vulnérabilité, d’émissions évitées et de séquestration, ainsi que sur d’autres enjeux environnementaux voire sociaux
Vous souhaitez faire valider votre trajectoire auprès du SBTI ?
Démarche à suivre
A partir de la soumission de la lettre d’engagement (phase « Commettre »), l’entreprise a 2 ans pour déposer le dossier (phase « Soumettre »). L’entreprise doit réaliser son bilan carbone annuellement pour communiquer sur les progrès réalisés par rapport aux objectifs défini et à l’année de référence. Il y a donc une nécessité de soit faire appel à un cabinet de conseil pour réaliser le bilan carbone et le suivi des objectifs, soit de s’équiper d’outils de comptabilité carbone et d’internaliser la compétence carbone.
Critères requis pour déposer une trajectoire auprès du SBTi
Pour soumettre une trajectoire, il est nécessaire d’être une entreprise ou une institution financière (voir le guide spécifique), et d’être une société mère. Les filiales peuvent soumettre une trajectoire, bien qu’il soit recommandé de le faire à l’échelle du groupe. Si une maison-mère soumet un objectif, les filiales doivent être intégrées. Les PME doivent se référer au guide spécifique. De plus, il faut avoir réalisé un bilan des émissions de gaz à effet de serre incluant obligatoirement les SCOPES 1 et 2, et le SCOPE 3 si le seuil d’émissions est atteint.
Des coûts sont à prévoir pour déposer et faire valider votre trajectoire auprès du SBTI
BL Évolution peut vous accompagner dans votre démarche de conception de votre trajectoire. N’hésitez pas à nous contacter . Nos équipes pourront vous expliquer notre méthodologie.
Pour aller plus loin :
https://www.bl-evolution.com/comment-decarboner-lindustrie/