La COP28, qui s’est tenue cette année à Dubaï, a pris fin avec l’annonce, espérée depuis plusieurs semaines, d’un accord. Si cet objectif a finalement été atteint, après une alerte la veille suite à la publication d’une version trop édulcorée de l’accord concernant la sortie des énergies fossiles, il reste que cette COP a cristallisé les inquiétudes, et les espoirs, des nombreux participantes et participants issus de la société civile, du monde des entreprises et des collectivités.

Que retenir, donc, d’une négociation qui s’achève ainsi, et qui porte en elle plusieurs messages, pour les entreprises et les collectivités souhaitant aujourd’hui participer à l’effort collectif d’une adaptation absolument nécessaire, d’une nouvelle sobriété mondiale souhaitable, enfin du respect des objectifs de réduction des GES sur la trajectoire à +1,5° afin de nous permettre de ne pas vivre dans un monde finalement devenu « invivable » ?

 

Au delà de la réussite “politique”, plusieurs acquis à retenir de cette COP28

Tout d’abord le fait qu’en se tenant dans l’un des pays à l’économie la plus dépendante des énergies fossiles, et contre ce qu’espéraient initialement les thuriféraires des hydrocarbures, le sujet s’est retrouvé au centre des débats, et de l’attention de chacun et chacune. Pour la première fois, dans l’histoire des COPs, les fossiles sont mentionnés dans l’accord final avec la formulation finalement consensuelle “transition hors des énergies fossiles”, et ce malgré les actions de l’OPEP et des nombreux représentants des acteurs du secteur des énergies fossiles. Cette mention, si elle représente une réussite en soi, marque d’une pierre blanche la prise de conscience collective que ces énergies, responsables de 80% des émissions de GES aujourd’hui, ne peuvent plus être ignorées dans ces négociations, et confirme l’impossibilité de continuer « comme si de rien n’était ».

L’engagement de nombreuses délégations, parmi elles celles des petits pays insulaires, des pays de la coalition du Climate Vulnerable Forum, ou encore des délégations de l’UE, dont bien sûr celle de la France, ont permis d’engager un réel élan enjoignant les différents pays à un accord ambitieux. L’accord sur le fond « pertes et dommages », que les pays riches souhaitaient confier – contre les avis du « Sud global » – à la Banque Mondiale, a finalement fait l’objet d’un accord et été abondé par plusieurs Etats. Si la question des financements et de leur suivi doit encore être améliorée, cet accord est l’un des autres grands signaux positifs que l’on peut retenir de cette COP28.

L’un des autres effets moins « visibles » de cet exercice est l’effort d’harmonisation fait par l’ensemble des parties pour permettre un calcul global des trajectoires, et de prendre les mesures qui s’imposent pour respecter ces ambitions posées par l’Accord de Paris il y a 8 ans. Ce sont également ces bases qui permettent, aujourd’hui, de trouver des leviers partagés pour respecter les trajectoires de réduction, qui tendent aujourd’hui à devoir se baser sur une adaptation à +2°C, afin de pallier à l’urgence.

 

Une réussite pour la société civile et les acteurs engagés ?

Car c’est d’urgence dont il est ici question, et l’absence d’accord final, dans des échanges qui se font par consensus, aurait été un (très) mauvais signal. Et, bien entendu, l’action de certains pays, qui aujourd’hui basent leur modèle économique sur l’exploitation de ces énergies fossiles, pour faire basculer l’accord, avait paru ces dernières 48 heures toujours plus contre productive, laissant craindre un ultime coup porté aux valeurs du multilatéralisme et à la voie de consensus qui est celle de ces cycles d’échanges.

Et si l’adoption du “Global Stocktake” prévu par les Accords de Paris il y a 8 ans permet aujourd’hui de dégager des tendances scientifiques toujours plus fiables et plus précises, cela permet également de souligner plusieurs éléments d’alerte absolue venant rappeler l’importance de cet accord… Mais surtout de l’action qui devra lui succéder : le GIEC ainsi que des personnalités scientifiques de renom évoquent aujourd’hui une période de 7 ans, trois fois moins que la période initialement envisagée, pour maintenir notre monde dans le “vivable”. On s’accorde aujourd’hui de plus en plus à évoquer des trajectoires à +2°C en lieu et place des +1,5°C envisagés lors de la COP15, puisqu’il est aujourd’hui fortement probable que cette trajectoire mondiale s’approche plus des +3°C.

Or ces chiffres soulèvent aujourd’hui de nombreuses inquiétudes, qui se traduisent de la manière la plus visible dans les futures “régions invivables”, où l’on commence à connaître, des Etats-Unis au Pakistan, des étés caniculaires et des épisodes météorologiques extrêmes, qui continueront à être amplifiés dans les prochaines années sans trajectoire de réduction et de sortie des énergies fossiles. Un accord encourageant, donc mais qui, en restant frileux sur certains points (pas de mention d’un éventuel “phase-out”, d’une réelle sortie des énergies fossiles, mise en avant de solutions technologiques encore trop incertaines pour protéger les pays producteurs…), n’est pas, autant que certaines parties l’auraient souhaité, à la hauteur des enjeux.

 

Garder espoir… Et continuer à s’engager !

Mais ce constat, ce 13 décembre, ne doit pas faire oublier tout le positif de cet accord. Car si aujourd’hui les projections, malgré les efforts de nombreux acteurs, restent inquiétantes, nul ne sait ce qu’elles auraient été sans les efforts déployés depuis 30 années dans les COPs et l’ensemble des négociations multilatérales (G7, G20, dialogue de Petersberg…) ayant eu lieu entre chacune d’entre elles.

La participation, et l’engagement toujours plus important de la société civile, des collectivités et des acteurs économiques et financiers, fait également la démonstration que la prise de conscience collective que nous observons aujourd’hui permet à chacun d’avancer, et de prendre les devants par les nombreuses initiatives qui sont aujourd’hui celles de plusieurs réseaux d’acteurs.

L’engagement des négociateurs et négociatrices engagés dans l’objectif d’un accord ambitieux nous enjoint ainsi à continuer d’œuvrer pour une transition toujours plus juste, et dont on constate aujourd’hui qu’elle n’a jamais été aussi évoquée dans le multilatéralisme climatique : l’importance que prennent dans ces négociations le vivant, les solutions basées sur la nature, ou encore l’approche sociale et genrée de la transition, doit pousser le tissu des acteurs engagés à continuer de faire leur transformation aux côtés des autorités françaises et européennes, et à prendre les devants pour aller individuellement plus loin que ce que prévoient les conclusions de ces échanges.

C’est en continuant d’être les plus vertueux possibles, pour les collectivités et les entreprises, que nous pourrons accompagner ce mouvement souhaité et souhaitable, pour que les décideurs de ce monde puissent entendre le message qui est celui des acteurs déjà engagés dans leur transformation : car c’est en commençant, chacun de son côté, à changer son impact sur son environnement direct, que nous finirons par convaincre de la nécessité de prolonger le mouvement déjà engagé par plusieurs pays, pour parvenir, ensemble, à un monde plus vertueux, plus respectueux du vivant, plus conscient des implications sociales du changement climatique. Et, peut-être, à pouvoir aller encore plus loin lors de la COP29 et la COP30, qui auront lieu en 2024 et en 2025 en Azerbaïdjan puis au Brésil.