Le Conseil Constitutionnel a fait l’objet d’une saisine au sujet de la loi sur le devoir de vigilance des multinationales. S’il a validé l’essentiel du texte assurant ainsi une avancée forte pour la protection des droits humains et de l’environnement, il a toutefois censuré une partie jugée importante.

Logo de l'organisationLe devoir de vigilance : c’est le nouvel élément de la réglementation en faveur d’une Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE), adopté en 3ème lecture par l’Assemblée Nationale, le 21 février dernier. Cette décision fait suite à l’effondrement, en 2013, à Dacca, capitale du Bangladesh, du Rana Plaza, bâtiment qui abritait plusieurs ateliers de confection textiles de diverses marques internationales et qui avait fait plus de 1000 morts.

Concrètement, les entreprises de plus de 5000 salariés basées en France, et celles de plus de 10 000 salariés dont le siège est à l’étranger, incluant leurs filiales, sont tenues de mettre en place un plan de vigilance avec leurs parties prenantes. Celui-ci vise à évaluer les activités, directes ou indirectes, des entreprises, de leurs filiales, fournisseurs et sous-traitants pour déterminer s’il y a eu respect ou non des droits environnementaux et sociaux tout au long de la chaîne d’approvisionnement. En d’autres termes, l’entreprise peut être tenue responsable d’un manquement de la part d’un de ses sous-traitants si ce dernier ne respecte pas les normes en vigueur. Le Conseil Constitutionnel, saisi par les parlementaires, s’est prononcé, jeudi 23 mars, sur la loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre.

Pas d’amende en cas de non-respect des mesures de vigilance

En cas de manquement aux obligations prévues par le texte, la loi prévoyait un triple mécanisme. D’abord, une mise en demeure de respecter ces obligations est adressée à l’entreprise visée. Ensuite, le juge, saisi par l’auteur de la mise en demeure, peut prononcer une injonction et infliger une amende civile à la société de 10 millions d’euros  « en proportion de la gravité du manquement et en considération des circonstances de celui-ci et de la personnalité de son auteur », rapporte Novethic. Enfin, l’amende passe à 30 millions si les dommages causés sont très importants. C’est la mesure concernant l’amende que le Conseil Constitutionnel a censuré, indiquant que « l’imprécision des termes employés par le législateur pour définir les obligations qu’il créait » ne permettait pas d’instituer une sanction aussi importante.

Compte tenu de ces imprécisions, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les dispositions de la loi prévoyant des amendes. Il a en effet estimé que les termes employés par le législateur pour la rédaction du texte, tels que « mesures de vigilance raisonnable » et « actions adaptées d’atténuation des risques » étaient trop généraux. La mention liée aux « droits humains » et aux « libertés fondamentales » était, quant à elle, large et indéterminée et, pour finir, le périmètre des sociétés entrant dans le champ de l’infraction était très étendu. Cela peut être considéré comme décevant car c’était une incitation forte pour les entreprises. Cependant, la mise en demeure, l’injonction et la possibilité d’engager sa responsabilité en cas de manquement à ses obligations, ont bien été retenues ; et surtout, le caractère « d’intérêt général » de la loi.

Quelles mesures prendre en compte pour prouver le respect des obligations ?

L’objectif de ce texte est « d’instaurer une obligation de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre », est-il indiqué sur le site du Sénat. Il s’agit en effet « d’empêcher la survenue de drames en France et à l’étranger et d’obtenir des réparations pour les victimes en cas de dommages portant atteinte aux droits humains et à l’environnement ». Les conditions de travail des ouvriers seront ainsi mieux considérées.

Selon le Ministère de l’Économie et des Finances, 150 à 200 entreprises seraient concernées par ce texte. Leur plan de vigilance devra alors comporter :

  • Une cartographie des risques. La société mère ou donneuse d’ordre doit identifier, analyser et hiérarchiser les risques qui résultent de ses activités, de ceux de ses sous-traitants ou de ses fournisseurs.
  • Des procédures d’évaluation régulière de toutes les situations (filiales, sous-traitants et fournisseurs) avec lesquels l’entreprise entretient une relation commerciale établie.
  • Des actions adaptées d’atténuation des risques. Des actions de prévention ou d’atténuation des risques d’atteintes graves aux droits humains ou à l’environnement doivent être menées.
  • Un mécanisme d’alerte. En cas de risque, un dispositif de signalement défini avec les organisations syndicales représentatives doit pouvoir être présenté.
  • Un dispositif de suivi des mesures mises en œuvre et d’évaluation de leur efficacité.

D’autres pays de l’Union européenne devraient prendre exemple sur la France, en matière de respect des droits humains sur les chaines d’approvisionnement et la prévention des dégâts environnementaux. Cette loi, qui prendra finalement effet à compter du 1er janvier 2018, constitue également une perche pour les entreprises qui souhaitent renforcer leurs démarches RSE.

Cela pourra inciter les entreprises à s’engager sur les enjeux sur leur chaine de valeur, dont certains sont parfois oubliés (voir notre étude sur la biodiversité & RSE ; ou encore les émissions de GES) mais que les ODD ont rappelé avec force ! Pour plus d’informations, contactez-nous !