A l’approche des élections municipales, la question de la biodiversité vient percuter les candidats et se répandre dans les programmes. L’écologie est aujourd’hui centrale au sein de la société, si bien qu’on la retrouve dans des campagnes électorales, s’imposant même comme sujet majeur des débats politiques. Mais comment valoriser cette préoccupation auprès du public sans abuser de certaines stratégies pourtant efficaces ?

Depuis le début des campagnes municipales, nous apercevons un fleurissement d’initiatives pour prendre ce problème à bras le corps. La préoccupation pour augmenter la place de la nature en ville et lutter contre l’étalement urbain témoigne d’une prise de conscience évidente, et nous pouvons nous en réjouir ! Force est de constater cependant que le manque d’information et d’expertise conduit à l’absence d’ambition de certaines politiques en faveur de la préservation de la biodiversité.

Parmi celles-ci, la question de la végétalisation des milieux urbains peut être un enjeu climatique et de biodiversité majeur mais à force de dégainer cette idée de débitumer les villes, d’autres actions plus utiles pour l’écosystème sont alors évincées. On verra ainsi certains élus planter des jeunes arbres dans des bacs ou intégrés en surface d’un tissu urbain, niant totalement l’apport considérable de la pédofaune et de la richesse des sols dans la capture du carbone. Bien que la végétalisation soit incontestablement bénéfique en matière d’atténuation et d’adaptation au réchauffement climatique, elle peut faire l’objet d’une récupération politique avec le développement d’une stratégie de transition écologique uniquement basée sur la plantation d’arbres.

On peut citer un autre exemple d’approche démesurée de l’implantation de la biodiversité en ville : les ruches ont explosé ces dernières années au point de devenir problématiques pour les abeilles qui ont parfois des difficultés à trouver des ressources. Un interventionnisme fort des pouvoirs publics peut aussi être un puissant levier pour protéger la biodiversité. Certains édiles et candidats proposent ainsi de désimperméabiliser des zones comme des cours d’écoles ou des parkings afin de favoriser le retour de la biodiversité et micro-biodiversité à ces endroits.

Certaines mesures caractérisent le manque d’ambition de certains politiques qui basent la partie écologique de leur programme sur une vision isolée (voire erronée) de la lutte contre la crise écologique. Heureusement des outils existent pour permettre aux communes d’agir en faveur de la transition écologique.

Que peuvent réellement faire les élus pour faire face à la crise écologique ?

En pratique, des actions peuvent être menées pour lutter contre l’urbanisation et l’artificialisation des sols, la pollution lumineuse et sonore, d’un côté, et favoriser le verdissement des villes et l’agriculture intra-urbaine de l’autre, sans oublier un travail de sensibilisation à la biodiversité et de facilitation de sa prise en compte dans les politiques communales ou intercommunales.

  • Verdissement des villes, agriculture intra-urbaine

La végétalisation de la ville, dont le plantage d’arbres fait partie, est bon pour l’écologie : c’est une occasion intéressante de faire venir la nature en ville. En développant de telles pratiques, on favorise la biodiversité en ville, une biodiversité souvent ordinaire mais pourtant très intéressante, une démarche qui doit être combinée avec d’autres mesures, comme l’agriculture urbaine par exemple, ou la plantation de fleurs mellifères…

De plus, l’arbre est un bon filtre naturel à la pollution atmosphérique, mais aussi dans l’ensemble des continuités des écosystèmes. Pour briser les îlots de chaleur urbains, la végétalisation est nécessaire grâce à la couleur verte des feuilles renvoyant la chaleur, l’évapotranspiration ou tout simplement la douceur de l’ombre que procure un platane. On ne peut donc qu’encourager la végétalisation des villes, tant que ces politiques sont considérées à leur juste valeur et il serait indispensable de combiner cette volonté avec de nombreux outils disponibles, dont voici quelques exemples et suggestions. 

Petite mise en garde, dans une volonté de verdissement des villes, il est nécessaire de porter une attention particulière sur les espèces implantées, qui doivent être locales pour se prémunir d’espèces invasives. Il faut aussi favoriser des essences compatibles avec le changement climatique, c’est-à-dire des arbres qui résisteront dans quelques années au changement climatique.

  • Urbanisation et artificialisation des sols

L’artificialisation des sols est une atteinte majeure faite à la biodiversité qu’il convient de combattre. En effet, chaque mètre carré recouvert et artificialisé est un espace perdu pour la biodiversité. Dans certaines régions comme l’Île-de-France, la Bretagne ou la Normandie, l’artificialisation des sols a cru trois fois plus rapidement que la population (+1,4% en moyenne par an)[1]. Selon l’IPBES, le changement d’usage des sols est la première des causes du déclin de la biodiversité en Europe. L’urbanisation, en plus de supprimer des habitats naturels écologiquement favorables, participe aussi à la fragmentation écosystémique du territoire. Dans une logique de cohérence territoriale des espaces favorables au libre déplacement des espèces, la création de routes, de zones industrielles ou de nouveaux quartiers constituent des barrières physiques fragmentant les territoires.

L’objectif de zéro artificialisation nette doit être poursuivi au niveau des territoires, luttant ainsi contre l’étalement urbain et la prolifération de centres commerciaux par exemple. Ces projets, outre leurs impacts sur la biodiversité se retrouvent d’ailleurs largement émetteurs de gaz à effet de serre par le changement d’affectation des sols et de consommation de ressources. Les habitats légers constituent ainsi une des réponses aux problématiques liées à l’urbanisme et doivent être développés.

Les élus locaux peuvent protéger les espaces naturels dans les communes et les terres agricoles existantes de cette artificialisation des sols. L’artificialisation a notamment des conséquences sur les émissions de gaz à effet de serre de nos territoires car ils nous privent de leur capacité naturelle à séquestrer du carbone. Par exemple, l’artificialisation d’un sol forestier ou agricole représentent respectivement une émission nette de 290 (+/- 120) tCO2 ou 190 (+/-80) tCO2 par hectare.

Grâce à des outils réglementaires tels que le Plan Local d’Urbanisme (PLU), il est possible de lutter contre l’étalement urbain et d’optimiser les espaces urbains. B&L évolution propose une boite à outils permettant aux collectivités d’intégrer les enjeux Climat, Air et Energie dans les documents et politiques d’urbanisme et d’aménagement.

Nous y dévoilons quelques pistes d’actions, à adapter à chaque territoire et à son contexte :

  • Transcrire les engagements climat-air-énergie dans les volets opposables du projet de territoire ou des documents d’urbanisme
  • Connaitre et s’approprier la vulnérabilité du territoire au changement climatique
  • Identifier et protéger les terres agricoles et les espaces naturels de l’artificialisation des sols via les documents d’urbanisme et la politique foncière associée
  • Transcrire les enjeux climat-air-énergie dans les opérations d’aménagement
  • Mener une politique de mobilité résiliente aux chocs énergétiques et adaptée à une société post-carbone.

=> Plusieurs outils existent pour permettre de compléter la volonté d’une artificialisation nulle, on citera par exemple la possibilité de réaliser un travail local sur les trames vertes et bleues, pouvant être menées à l’échelle communale ou intercommunale, ainsi que divers contrats écologiques. D’autres outils sont disponibles pour la protection des espaces naturels et agricoles, c’est par exemple le cas des PPEANP (Les Périmètres de Protection et de mise en valeur des Espaces Agricoles et Naturels Périurbains), la mise en place d’Espaces Naturels Sensibles (ENS) ou encore des zones de protection de biotope, marquant une volonté forte de protéger les espaces (et les espèces) les plus sensibles

  • Lutter contre les nuisances urbaines

Parmi les nuisances urbaines, plusieurs d’entre-elles s’accumulent et font des ravages sur la biodiversité intra urbaine et de proximité. C’est le cas par exemple de la pollution lumineuse, un phénomène induit par l’éclairage artificiel et ayant un effet particulièrement néfaste sur bon nombre d’espèces et serait une des causes majeures de la disparition des insectes. Cette pollution influe sur les comportements des espèces, notamment leurs déplacements quotidiens, leur migration, leur alimentation ou leur cycle de reproduction. Même s’il peut être décidé de transmettre la compétence à la collectivité ou au syndicat d’énergie, le maire représente l’autorité responsable de l’éclairage public.

Et contrairement à la pollution atmosphérique, celle-ci peut disparaître de notre environnement à « la vitesse de la lumière », en éteignant simplement l’interrupteur. Bien commun soutenu par les maires, la lumière a tout de même son importance. Pour travailler alors sur le sujet, il existe différentes manières pour suivre une ambitieuse sobriété lumineuse. Que ce soit par la mise en place de détecteurs de présence, en réduisant l’intensité au cours de la nuit, des extinctions partielles ou en installant des ampoules moins impactantes (sans lumière bleue) et surtout en n’éclairant que là où c’est vraiment nécessaire. Des mesures simples et applicables dans toutes les communes.

De même, la pollution sonore a des conséquences sur la santé humaine et l’environnement. Ces nuisances sonores ont des impacts nocifs pour l’audition et peuvent provoquer stress, troubles du sommeil, effets sur le système cardio-vasculaire… et affecter aussi les espèces animales (chauve-souris et oiseaux comme la rainette verte mâle par exemple). Heureusement, la loi impose des seuils limites d’exposition de la population et de l’environnement au bruit et la mise en place de mesures d’atténuation et de protection.

=> Exemples d’outils disponibles : la mise en place d’une trame noire. Complétant la vision et les objectifs de la trame verte et bleue à l’environnement nocturne, la mise en place d’une trame noire s’inscrit dans une démarche de projet territorial, pouvant intégrer l’ensemble des acteurs économiques et le grand public dans une démarche concertée pour mettre en place un éclairage favorable à la biodiversité.

On notera aussi la possibilité de mettre en place une démarche concertée sur les nuisances sonores et lumineuses en lien avec les acteurs pour limiter le poids de l’urbanisation sur les écosystèmes.

  • Améliorer la connaissance :

L’objectif poursuivi d’améliorer la connaissance pourra permettre aux nouveaux élus de réaliser un état des lieux complet pour avoir, dans un second temps, une approche plus renseignée et qui s’applique aux conditions locales et spécificités de la commune. En plus d’avoir une connaissance plus fine de la biodiversité, une telle démarche permettra de mettre en place des actions et démarches plus précises et efficaces avec le contexte local. Elle permettra non seulement d’aller plus loin que de se limiter à planter des arbres, mais sera aussi l’occasion de mettre en place des outils performants.

=> Exemples d’outils disponibles : La réalisation d’un Atlas de la Biodiversité Communale (ABC). La réalisation d’un atlas de la biodiversité communal permet, par le biais d’inventaires, de connaître précisément les espaces et les milieux favorables présents sur son périmètre et de mettre en place un plan d’actions, de communication et de sensibilisation particulièrement favorables à la biodiversité. La question de la sensibilisation est un élément très important pour la sauvegarde de la biodiversité, cette démarche peut être renforcée en intégrant toutes les parties prenantes du territoire ainsi que le grand public (démarche de science participative par exemple).

  • Améliorer et sauvegarder la biodiversité :

Les futurs représentants locaux peuvent aussi simplement s’engager sur une ambition d’amélioration des conditions et de sauvegarde de la biodiversité. Le développement en ville de parcs et jardins, de nouvelles zones humides ou simplement la plantation de fleurs mellifères : ces types de propositions ont aussi le triple avantage de restaurer la biodiversité, de renforcer la sécurité alimentaire du territoire et présente l’occasion d’amener plus de naturalité favorable aussi au bien-être humain renforçant le rattachement de l’Homme à la nature. Un travail profond sur la sauvegarde de la biodiversité viendrait compléter cette volonté, comme par exemple limiter l’utilisation de produits phytosanitaires et s’engager sur du zéro pesticide, mettre en place un fauchage raisonné… tout en communiquant et sensibilisant une nouvelle fois les habitants, les entreprises ainsi que les services techniques.

=> Exemples d’outils disponibles :

  • Il existe de nombreuse mesures qui améliorent l’état de conservation des espèces et des espaces naturels et contribuent au maintien des ressources en eau, avec des bénéfices pour les habitants, telles que les trames vertes et bleues (ainsi que des trames noires), les contrats rivières, la sanctuarisation d’espaces comme les zones forestières et zones humides, etc. Sur les zones forestières justement, les communes sont compétentes comme le précise la charte de la forêt communale, en matière de destination des produits, d’occupation du domaine forestier, d’ouverture de la forêt au public, de gestion de la chasse et de la pêche et des autres actes permettant de tendre vers une gestion responsable vis-à-vis de la biodiversité.
  • D’autres mesures permettent justement d’empêcher la modification de ces espaces par l’humain et d’accompagner les acteurs qui œuvrent en faveur de la préservation et de la remise en bon état des continuités écologiques. En milieu rural, le développement des haies entre les cultures et en dehors est extrêmement intéressant, tant au niveau du stockage du carbone que de la gestion de l’eau, ces haies constituent d’excellents refuges à biodiversité ! De nombreuses solutions pour protéger et développer simplement des espaces naturels et créer de l’habitats pour les espèces.
  • Un dernier outil pourrait concerner la lutte contre les espèces invasives. En effet les espèces exotiques envahissantes sont des espèces importées qui ne trouvent pas de prédateurs ou de concurrence et imputent grandement la biodiversité locale.

Bien entendu, si la biodiversité et le changement climatique sont deux sujets majeurs sur la question écologique, la prise en compte d’autres thématiques comme les mobilités, la gestion des déchets ou l’alimentation ne sont pas à négliger.

Pour aller plus loin, télécharger notre étude « 5 actions pour construire une politique d’aménagement à la hauteur des enjeux ».

 

[1] Commissariat général au développement durable, 2019. Rapport de synthèse, L’environnement en France, La Documentation Française (ed.)