La crise de l’électricité et du gaz touche aussi les collectivités

Face à la hausse des prix de l’énergie et des matières premières, les collectivités territoriales cherchent à s’affranchir de la dépendance aux énergies carbonées. Focalisées sur leurs dépenses directes en chauffage et électricité, les politiques de mobilité durables pourraient être reléguées au second plan lors de l’élaboration de plan de sobriété. De nombreuses collectivités peinent donc à projeter des investissements conséquents pour l’aménagement de pistes cyclables, la sécurisation de points noirs (rond-points dangereux, traversée de route Départementale,…)… et in fine à programmer une politique cyclable efficace et adaptée à un objectif d’une France à 12% de part modale vélo d’ici 2030 (objectif de la Stratégie Nationale Bas Carbone – SNBC). Pourtant, le transport représente 30% de la consommation énergétique finale du pays. La réduction de la consommation d’énergie dans les transports est donc le principal levier pour réduire la dépendance aux énergies fossiles à l’échelle des territoires.

 

L’énergie en France ne se cantonne pas à l’électricité, l’agriculture et les transports consomment essentiellement du pétrole (source : chiffres du MTES)

 

La force d’une politique cyclable ambitieuse est son efficacité au regard du coût nécessaire à sa mise en place. Le développement du vélo est la moins coûteuse des politiques de transports : un plan vélo efficace se situe autour de 30 euros par an et par habitant.

Pour comparaison, c’est 9 fois moins que le coût des investissements dans les aménagements routiers (271 €/habitant/an) et 15 fois moins que les l’argent investi dans les transports en commun (473 €/habitant/an). De plus, sur le long terme, les aménagements cyclables sont moins coûteux à l’entretien. 

Le vélo est donc un levier de réduction des coûts à long terme non seulement pour les usagers, mais aussi pour les territoires. Il faut ajouter à cela les multiples co-bénéfices qui pourraient être calculés en termes économiques (santé, pollution de l’air, dépendance au pétrole, émissions de GES, pollution sonore, amélioration du cadre de vie…).

Enfin, les nombreuses aides disponibles permettent de créer un effet de levier et d’augmenter les budgets des territoires en multipliant l’argent réellement investi. En effet,  la politique cyclable est soutenue par l’Etat, l’Europe, les Régions … rappelons l’enveloppe de 350 millions d’euros allouée par l’Etat entre 2017 et 2025 et les 250 millions d’euros annoncés pour 2023, le Plan de relance de 200 millions d’euros entre 2020 et 2022, le FEDER Mobilité pour la France de 3 milliards d’euros sur la période 2014-2022.

Lorsque les budgets se resserrent, la politique cyclable peut perdurer

Tout d’abord, il n’est pas rare que les collectivités manquent de bras pour porter les projets cyclables : piloter les schémas directeurs, mettre en relation les partenaires, travailler sur la campagne de communication, etc. Le programme AVELO2 de l’ADEME propose d’aider les collectivités à financer un poste de chargé.e de mission pendant deux ans. C’est sûrement par là qu’il faudra commencer ! La planification d’une stratégie cyclable à l’échelle intercommunale ou communale est essentielle pour s’assurer de la cohérence des actions mises en œuvre : piloter les schémas directeurs, mettre en relation les partenaires, travailler sur la campagne de communication, etc.  

Ensuite, rappelons qu’une politique cyclable impactante nécessite de déployer des aménagements cyclables sécurisés séparés du flux motorisé (mesurée en % de linéaire de voirie totale), mais pas uniquement.  Il faut aussi agir sur : la modération de la vitesse, l’apaisement des circulations en ville, la place dédiée au stationnement automobile, le déploiement des services vélo, l’apprentissage du vélo pour toutes et tous… des mesures qui ne nécessitent pas d’investissements lourds mais davantage un changement des comportements et habitudes. 

Quels enjeux prioritaires pour la politique d’aménagement ?

Nous allons ici détailler deux enjeux que nous estimons prioritaires : 

1. La continuité des aménagements, c’est-à-dire un cheminement où la place des vélos est prise en compte sans aucune interruption.

Rien de pire pour un cycliste que de circuler paisiblement sur un aménagement sécurisé, et de se retrouver l’instant d’après sur un tronçon de route ou à un carrefour où sa traversée n’est pas prévue. Ainsi, pour les itinéraires identifiés, sur chaque segment de rue, à chaque intersection, pour chaque obstacle, la circulation des vélos doit être prévue, sécurisée, visible et lisible pour tous les usagers (les cyclistes autant que les automobilistes et les piétons).  A défaut d’aménagement dédié, la circulation doit être suffisamment apaisée (en vitesse et en volume de circulation) pour permettre le partage de l’espace avec les autres usagers. La continuité permettra de bénéficier d’un effet de réseau, qui devrait à la fois améliorer les conditions de circulation des cyclistes actuels, et également amener de nouveaux utilisateurs et utilisatrices sur une selle. C’est ce qu’ont pu constater certaines villes, comme Lyon, qui ont vu leur pratique cyclable exploser au sortir de la pandémie en 2020, grâce aux aménagements temporaires principalement destinés à résorber les discontinuités d’un réseau jusqu’alors morcelé.

2. L’apaisement des circulations permet de rendre l’espace public plus attractif pour les modes actifs (les vélos, la marche, les engins de déplacements personnels motorisés…).

Cependant, une simple signalisation en zone 30 ou zone de rencontre n’est en réalité pas suffisante. Pour garantir le respect de cette limitation, il est important que ces mesures soient lisibles et intuitives sur l’espace public : des dispositifs de ralentissement (plateaux, chicanes by-pass, ralentisseurs, écluses, îlots aux intersections) pourront être ajoutés, et le mobilier urbain pourra inciter les vélos et les piétons à prendre possession de l’espace (mise à niveau de la chaussée et des trottoirs, trottoirs traversants, suppression des barrières et potelets). Certains changements de circulations pensés pour supprimer du trafic de transit dans les zones à apaiser pourront être expérimentés avec des dispositifs temporaires, comme des pots végétalisés ou des barrières. Néanmoins, les dispositifs devront s’adapter aux contraintes de la voirie, et du trafic qu’elle doit accueillir : convois exceptionnels, services publics, engins agricoles ou poids-lourds. Dans ces derniers cas, on pourra opter pour une réorganisation du trafic afin d’éviter une traversée des zones denses.  

Pour réorganiser le trafic et limiter les nuisances dues aux véhicules motorisés, ces solutions peuvent être rapides et peu coûteuses à mettre en œuvre : les plans de circulation permettent de réorganiser le trafic motorisé pour décourager le trafic de transit tout en permettant la desserte par les usages locaux. La mise en place de filtres modaux et d’impasses avec traversées piétonnes ou cyclables permet de réduire ou supprimer le trafic de transit sur un secteur, uniquement pour les véhicules motorisés, tout en permettant la desserte locale pour ces derniers. Les zones de trafic limité (ZTL) restreignent l’accès à un secteur, autorisé seulement pour les services ou transports publics, ainsi qu’aux riverains. La mise en sens unique ou la suppression du stationnement permet également de libérer de la place sur l’espace public pour le consacrer à une liaison cyclable manquante, ou à l’agrandissement du trottoir. Enfin, les rues scolaires ou rues aux écoles sont un exemple d’aménagement répondant spécifiquement à un besoin d’apaiser les circulation de manière très locale et sur une courte période : une rue à proximité d’une école peut être fermée à la circulation, aux heures d’entrée et de sorties scolaires ou de manière définitive. 

Les corona-pistes : un bon exemple d’aménagement à moindre coût

Que ce soit pour résorber les discontinuités du réseau cyclable, ou pour apaiser les circulations, la plupart des éléments présentés précédemment peuvent être  expérimentés à moindre coûts avec des aménagements temporaires et réversibles. Moins onéreux que les infrastructures en “dur”, plusieurs solutions d’urbanisme tactique ont été remises au goût du jour lors de la crise sanitaire, notamment concernant l’apaisement des circulations et les aménagements cyclables. Vous avez deviné : les fameuses corona-pistes ! Après consultation des usagers,  un peu de peinture, des balises J11 et le tour est joué. D’autres aménagements souvent pertinents, comme le double sens cyclable, permettent de créer des itinéraires incitatifs pour l’usage du vélo en milieu urbain sans être trop coûteux non plus (généralement moins de 5 000€ suivant le tronçon). 

Une piste temporaire flambant neuve, avec sa peinture et ses J11 jaunes (dans la CC Erdre et Gesvres) - ©Samy Guyet

Une piste temporaire flambant neuve, avec sa peinture et ses J11 jaunes (dans la CC Erdre et Gesvres) – ©Samy Guyet

 

Si la crise énergétique actuelle nous rappelle notre dépendance, il ne faut pas oublier que de nombreuses solutions peu coûteuses existent déjà, et ne demandent qu’à être expérimentées !

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