Intermodalité : selon le Larousse, utilisation de plusieurs modes de transport au cours d’un même déplacement. Un terme donc qui, sous ses airs bureaucratiques, cache une définition très prosaïque correspondant à la quasi-entièreté de nos déplacements !  BL évolution propose quelques réflexions issues des retours du terrain.

Aux origines : la gare augmentée

L’incarnation spatiale de la cause intermodale, c’est bien entendu la gare. Positionnée sauf exceptions au cœur des villes, elle est le débouché naturel où convergent de manière plus ou moins canalisée les déplacements à pied, à vélo, les flux automobiles et les transports collectifs, jusqu’au parvis de gare, vaste espace vitrine du territoire. Voilà l’intermodalité prestigieuse, un chapelet de PEM (pôles d’échanges multimodaux) qui s’égrènent des grandes métropoles jusqu’aux sous-préfectures, des projets qui ne se contentent pas de favoriser les « échanges multimodaux », mais font pousser des arbres, des immeubles de bureaux et, parfois, les prix de l’immobilier. Ce dossier étant pris à bras-le-corps par l’ensemble du mille-feuille territorial français, considérons cette grande cause nationale entendue, ou presque.

Si tu veux prendre le bus, prend ta voiture…

Nos diverses pérégrinations en France et en Navarre nous en ont convaincu : le gisement inexploité de l’intermodalité réside aujourd’hui dans de petits espaces modestes et frugaux. Combien d’aires de covoiturage ou d’arrêts de car placés au milieu d’un no man’s land de routes départementales, où giratoires et voies d’insertion sont autant d’obstacles infranchissables pour qui prétend s’y déplacer à vélo ou à pied ? Seule intermodalité possible : celle de la voiture avec l’autocar ou celle de l’auto… avec l’auto dans le cas du covoiturage. Quand on sait que 13,3 millions de français sont en situation de « précarité mobilité », que 20% des ménages à l’échelle nationale ne possèdent pas d’automobile, il y a urgence à faire en sorte que train, le bus, le car ou le covoiturage soient accessibles à pied ou à vélo.

Faut-il que tu viennes à l’arrêt ou que l’arrêt vienne à toi ?

Faut-il, pour trois hameaux, trois arrêts de car scolaire, ou un seul, bien positionné et sécurisé ? La réponse est claire depuis longtemps pour les services techniques : la multiplication points d’arrêt fait exploser le temps de trajet des circuits, et donc l’amplitude journalière des écoliers. Mais il est rare que le principe subsidiaire qui en découle, à savoir la nécessité d’un cheminement sécurisé depuis lesdits hameaux jusqu’à l’arrêt, soit appliqué avec le même zèle. Question de financements et de gouvernance complexe, nous répondra-t-on, pendant que s’accumulent sur le bureau des maires les courriers de parents outrés que leurs enfants aient à marcher quinze minutes en bord de route départementale, l’hiver, pour accéder à l’abribus le plus proche. La connexion intermodale permettrait-elle enfin de mettre fin à cette bisbille ?

Concevoir le lieu de vie de toutes les mobilités

Passons en revue rapidement en revue la formule de base d’une bonne aire intermodale moderne :

  • Il faut assurer des trajets sécurisés depuis ou vers les lieux de vie. Comptez, en moyenne, des aménagements cyclables et piétons sécurisés sur plus d’un kilomètre. Pour que ces cheminements soient utilisés à vélo, il faut en sus proposer des stationnements aux arrêts.
  • Pour attendre le bus, le car ou le covoiturage en toute quiétude, par toutes saisons : un abri pour se protéger de la pluie et du vent (penser à bien orienter l’abri en conséquence), de l’éclairage, et en option : une poubelle ou des prises pour recharger son téléphone. Des informations aux arrêts à jour, compréhensibles par le commun des mortels, en format papier ou même en information dynamique et en temps réel seront disponibles sur place.
  • Des places de stationnement automobile, pour le covoiturage. De 10 à 50 places environ. Votre parking fait plus de 1500 m² ? Alors vous devez obligatoirement y installer des ombrières photovoltaïques. Vous serez aussi, en tant qu’élu, attentif à ce que votre projet soit dans les clous du fameux ZAN. Ajoutons des arbres qui apporteront ombre et fraîcheur bienvenues pour les voyageurs en attente de correspondances.
  • Enfin, toute bonne aire de covoiturage qui se respecte comportera au moins deux points de charge pour véhicules électriques : l’interdiction du moteur thermique, c’est déjà demain pour les véhicules neufs… et donc pour les infrastructures qui les accueillent…

Voilà pour la formule conventionnelle. Rien ne vous empêche d’innover, et de proposer une aire « toutes options », avec, par exemple, une boîte à livre, des vélos et trottinettes en libre-service, des emplacements pour véhicules intermédiaires, distributeurs de pizzas, foodtruck… Bref, tout ce qui pourra participer à rendre la fameuse « expérience usager » la plus agréable possible.

On commence à comprendre que la facture peut vite monter, et que l’effort financier doit être réalisé à bon escient. Quelques prérequis pour y parvenir :

  • Positionner convenablement l’aménagement. Il s’agit de trouver le meilleur compromis entre une implantation à immédiate proximité des lieux de vie et la nécessité de limiter les détours pour garantir des temps de trajets en transports collectifs ou covoiturage compétitifs par rapport à l’autosolisme.
  • Mutualiser les fonctions. Il est assez rare en-dehors des grandes villes de trouver rassemblées sur un seul espace tous les modes alternatifs à la voiture. Or, tout ce qui relève du confort et de l’accueil des usagers (abri, assise, éclairage, etc.) et de l’intermodalité modes actifs (stationnements sécurisés) peut aussi bien servir pour les mobilités partagées que pour les transports collectifs. Question de gouvernance, là encore…
  • Être pragmatique. Vous constatez sur Blablacar que les utilisateurs utilisent le parking du supermarché en guise d’aire de covoiturage ? Entrez en contact avec la structure : il y a sûrement des petites améliorations à apporter à cet aménagement qui, manifestement, fait déjà bien l’affaire pour la majorité des besoins.
  • Trouver un nom évocateur. A-t-on envie de se rendre à un PEM, une aire intermodale, ou à un hub ? La mobilité quotidienne s’inscrit dans un récit de vie local qui fait peu de place aux barbarismes néo-mobiles. La gare est auréolée d’un imaginaire séculaire qui pioche dans la littérature, la peinture ou le cinéma. Le terme de gare intermodale est probablement le meilleur compromis, mais nous restons bien évidemment ouverts à toutes vos propositions !

Et si vous souhaitez vous aussi développer des gares intermodales plus ou moins frugales sur votre territoire, n’hésitez pas à nous contacter !

Pour aller plus loin sur les défis posés par la conception d’une armature cyclable et les problèmes de gouvernance qui en découlent, lire notre interview d’Olivier Thomas : « il faut désacraliser la voiture et l’espace qu’elle prend »

Pour aller plus loin sur l’intermodalité, consulter les fiches « Boîte à outil de l’intermodalité » sur le site du Cerema