Le document de cadrage et la synthèse des mesures de la nouvelle stratégie nationale pour la biodiversité 2030 ont été rendus public par la presse, le 24 janvier, pour consultation par différentes instances, dont le Conseil national de la transition écologique, le Conseil économique, social et environnemental et le Comité national de la biodiversité. Il contient une version préliminaire des mesures composant la stratégie à l’horizon 2030. Il fait suite à la stratégie biodiversité 2011-2020 ; l’objectif de ces documents est de donner des orientations stratégiques concernant la biodiversité.

Ce document rappelle l’urgence d’agir, dictée par la dépendance des activités humaines à la biodiversité dont le déclin est constaté. Un déclin dont les activités humaines sont responsables, ce qui implique une nécessité d’agir rapidement – notamment en transformant les business models des entreprises. Cette nouvelle stratégie ambitionne, dans son introduction, de susciter un changement en profondeur et de réduire les pressions sur la biodiversité.

Une mobilisation des entreprises et des acteurs financiers : mesures fiscales et de reporting

D’après cette première version, les entreprises et institutions financières sont invitées à appliquer les travaux de la TNFD (Taskforce on Nature Finance Disclosure), plus précisément les recommandations de cette dernière dès 2023 en alignement avec l’application de l’article 29 de la loi énergie-climat.

Les instances financières devront aussi reporter et communiquer sur les impacts biodiversité de leurs portefeuilles et produits financiers. Il s’agira aussi de transposer et de mettre en application le Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD), qui étend les exigences du reporting sur les sujets de durabilité et d’impacts sur l’environnement des entreprises au niveau européen, ainsi que les obligations de reporting de la taxonomie européenne visant à rediriger les flux financiers vers des activités durables.

D’un point de vue comptabilité, la stratégie veut promouvoir la norme pour l’intégration du capital naturel et de la comptabilité écologique à la comptabilité des entreprises à un niveau international pour 2030.

Les entreprises pourront bénéficier d’avantages fiscaux pour financer des activités favorables à la biodiversité et seront aussi encouragées au mécénat.

Des mesures sont aussi à l’étude pour alléger la fiscalité sur la possession, préservation ou restauration du capital naturel ; des incitations pour éviter l’artificialisation ; un encouragement à mettre en place des obligations réelles environnementales.

Il s’agit de mesures intéressantes, utilisant des outils assez nouveaux et en cours de construction, dans un objectif d’aider le monde économique à mieux intégrer sa relation avec la biodiversité.

Un renforcement de l’approche réglementaire encore timide

La stratégie propose un renforcement des contraintes réglementaires en lien avec la préservation de la biodiversité. Ces contraintes ne sont néanmoins pas toujours très précises, ni chiffrées et peuvent laisser l’impression qu’elles auraient pu être plus ambitieuses par endroit. Il en ressort :

  • L’interdiction de l’exploitation minière des fonds des aires marines protégées dans les zones de protection forte. Ce qui ne ferme néanmoins pas la porte à une exploitation hors de ces zones, ceci serait contraires aux critères de l’UICN.
  • Une augmentation de la réglementation est prévue en ce qui concerne la pollution et la mise sur le marché de produits polluants (particulièrement les micropolluants) des eaux urbaines et ayant un impact sur la biodiversité. Néanmoins la stratégie ne mentionne pas le plan écophyto et reste assez peu détaillée sur le sujet en sachant que l’on a prouvé maintenant que l’humanité opère largement en dehors de la limite planétaire sur les pollutions chimiques . En parallèle, une mesure prévoit d’augmenter l’efficacité des actions de police contre la pollution des milieux.
  • Une meilleure intégration de la biodiversité dans les normes et les labels des différents secteurs économiques. Le secteur de la construction est mentionné spécifiquement avec des mesures assez générales (promotion des filières courtes et de recyclage des matériaux).
  • Renforcer la séquence ERC avec comme but de notamment lutter contre l’artificialisation des sols. On pourrait regretter que les mesures ne soient pas plus poussées pour donner plus de moyens d’atteindre le « Zéro Artificialisation Nette » inscrit dans la loi énergie-climat, mais pas dans cette première version de la stratégie.
  • Un discret renforcement de la prise en compte de la biodiversité dans les activités de production énergétique en lien avec la transition énergétique (Observatoire de l’éolien marin, évaluation impact installations photovoltaïques sur la biodiversité).

 

La stratégie propose des avancées intéressantes notamment sur la fiscalité environnementale, le renforcement du reporting biodiversité mais manque encore d’ambition notamment sur la réduction des pollutions et de l’artificialisation des sols. Plus largement, il est aujourd’hui nécessaire de définir des trajectoires sectorielles claire de réduction des pressions sur la biodiversité pour que les entreprises puissent aligner leur business models. Il semble que la stratégie finalisée, pour être opérationnelle, devra anticiper les moyens, tant financiers qu’opérationnels (comme les moyens humains – notamment pour les opérateurs publics, agences et institutions publiques ou ministères concernés…), pour mettre en place ces mesures, ainsi que le planning opérationnel. La stratégie nationale pour la biodiversité gagnerait aussi à proposer plus d’objectifs et d’indicateurs chiffrés, seuls garants d’une ambition claire et d’une capacité à évaluer la réussite réelle de sa mise en œuvre concrète.