La loi relative à l’énergie et au climat a été définitivement adoptée par le Sénat le 26 septembre, après délibération et modification du projet voté par l’Assemblée nationale le 11 septembre. Nous y retrouvons des objectifs clé de la Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC), établie initialement en 2015 concomitamment à la signature de l’Accord de Paris. En effet, par cette loi, l’Etat prévoit une baisse de la consommation d’énergies fossiles d’ici 2030, une réduction à 50% de l’électricité d’origine nucléaire, et fixe l’objectif de neutralité carbone à 2050.
L’essentiel des mesures concerne les sources d’énergies, pour assurer une transition vers des énergies renouvelables, et reste éloigné des questions en lien avec la biodiversité et aux enjeux sociaux-économiques liés à la transition énergétique. Quelles actions sont prévues ?
La nécessité de l’aménagement urbain
Sujet très attendu de cette réforme, l’accord sur les passoires thermiques est moins exigeant que ce qui a pu être annoncé ces derniers mois et initialement proposé par l’Assemblée nationale. La réforme du code de l’habitation impose désormais de réaliser des travaux sur les logements qualifiés d’« indécents » à partir de 2023. A partir de 2028, ces logements ne pourront plus être soumis à la location, et un registre sera publié des logements dit « indécents ». Cette définition est basée sur la consommation du bâtiment : un logement est qualifié d’indécent à partir de 330 kWh par m² et par an. Ainsi, il sera rendu obligatoire de réaliser un audit énergétique du bâtiment à partir de janvier 2028. Une exception sera cependant faite dans certains cas : conservation de bâtiment historique ou coût de la rénovation disproportionné par rapport à la valeur du bien par exemple.
Afin de travailler davantage sur l’efficacité énergétique des bâtiments, la loi impose également aux surfaces commerciales de plus de 1000 m² de recouvrir plus de 30% de cet espace avec un dispositif de production d’énergie renouvelable – typiquement des panneaux solaires. Ceci s’applique autant aux centres commerciaux qu’aux ombrières de parkings, aux entrepôts et hangars, etc.
Comme l’indique le rapport d’impact rédigé par l’Assemblée nationale, « l’atteinte de la neutralité carbone nécessite une transformation en profondeur de la société, de l’économie et des comportements ». Malgré de fortes avancées apportées par cette loi, les aires urbaines devront être réaménagées plus en profondeur afin d’atteindre la neutralité carbone en 2050.
En route vers la neutralité carbone
Pour réaliser l’objectif de neutralité carbone avant 2050, la loi interdit au 1er janvier 2022 tout dispositif de production d’électricité nécessitant une émission de plus de 0,550 tonnes d’équivalents CO2 par mégawattheure. Ceci implique, entre autres, la fermeture des centrales charbon de Cordemais, Le Havre, Provence et Emile-Huchet, les quatre dernières à fonctionner en France.
La loi Energie-Climat décale également l’objectif de réduction de la part du nucléaire en France, qui passera de 70% de la production totale d’électricité à 50% avant 2035, objectif initialement fixé à 2025, mais qui aurait nécessité, selon le rapport d’impact de l’Assemblée nationale, une utilisation accrue de centrales à gaz. De plus, la consommation totale d’énergies fossiles doit être réduite de 40% pour 2030, tous secteurs confondus.
Les Certificats d’Economie d’Energie (CEE), dispositif important de limitation de la consommation d’énergie et impactant directement les fournisseurs, bénéficient d’un renforcement dans la lutte contre la fraude. Il sera désormais obligatoire de faire remonter au ministère de la Transition écologique et solidaire toute information pouvant constituer une non-conformité aux règles imposées dans le cadre des CEE. Ce dispositif permet de financer des projets à l’initiative d’entreprises, associations ou collectivités qui s’engagent pour le développement d’énergies renouvelables et pour les économies d’énergies dans tous les secteurs. La loi vient apporter une précision au sujet des projets bénéficiaires du CEE : il ne sera plus possible de bénéficier du CEE lorsque le projet de réduction de la consommation énergétique impliquera une hausse des émissions de gaz à effets de serre.
Sans qu’aucun texte officiel ne les mentionne directement, la législation fait un pas supplémentaire vers certains Objectifs de Développement Durable (ODD). En particulier, cette loi s’engage sur les thèmes de l’ODD 7, visant les énergies propres et abordables, ainsi que les thèmes de l’ODD 16, en luttant contre la fraude fiscale. Alors que l’atteinte des ODD est fixée à 2030, la loi fixe ses objectifs majeurs à 2035 et 2050.
L’importance des enjeux sociaux-économiques
Le Sénat veut inscrire dans la loi le Haut Conseil pour le climat, institution créée par décret au mois de mai dernier. Ce Haut Conseil a pour but de lutter contre le réchauffement climatique, en réalisant un rapport annuel sur la performance de la stratégie menée par l’Etat par l’évaluation des impacts environnementaux et sociaux-économiques des politiques menées. Il est composé de 10 personnes spécialisées dans les problématiques de développement durable et indépendant du gouvernement.
Si cette loi vient apporter de nombreuses règlementations et ressources pour arriver aux engagements nationaux de l’Accord de Paris, certains aspects, notamment en rapport avec les ODD, n’y apparaissent pas ou alors très peu. C’est le cas par exemple de l’ODD 3 « Permettre à tous de vivre en bonne santé et promouvoir le bien-être à tout âge », qui est partiellement abordé avec le sujet des passoires thermiques. Les ménages vivant dans des logements risqués pour leur santé ne verront peut-être pas leur situation améliorée à 100% d’ici 2030 grâce à loi Energie-Climat mais un pas en avant est réalisé.
Enfin, le sujet de la compensation carbone est évoqué dans le cadre de l’objectif neutralité carbone 2050, mais aucune réelle décision n’est prise actuellement. Ceci sera l’occasion d’aborder le sujet de vie terrestre, au cœur de l’ODD 15, et de l’équilibre entre la compensation carbone et la préservation de la biodiversité.
Le reporting environnemental des entreprises amélioré
Les acteurs économiques et financiers devront présenter leurs investissements verts et expliquer la façon dont leur politique environnementale est mise en œuvre. Tandis que l’on apprenait dans une étude de Novethic et B&L évolution que les entreprises et investisseurs construisaient chacun de leur côté des reportings complexes et des indicateurs d’impact qui ne se répondaient pas forcément, ces derniers devront fournir des informations sur la mise en œuvre de leur politique environnementale dans le cadre de leur déclaration de performance extra-financière. Reste à constater si ces informations seront comprises par les entreprises… D’autres informations sont requises telles qu’une politique de diligence raisonnable, mais pour éviter de reproduire les mêmes erreurs que pour la RSE et l’ISR et pour atteindre nos objectifs, il va falloir agir de concert !
Face à l’urgence de la situation climatique, ce projet de loi Energie-Climat vient renforcer l’ambition de la France de suivre l’Accord de Paris. La sortie progressive des énergies fossiles et le développement des énergies renouvelables confirme l’engagement du gouvernement de poursuivre son chemin vers une transition écologique et solidaire. Afin de s’assurer que les objectifs soient atteints, une vigie scientifique indépendante : le « Haut Conseil pour le Climat » est créée pour évaluer la stratégie climatique de la France et l’efficacité des politiques mises en œuvre pour atteindre ses ambitions. La révision de la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) il y a quelques mois donne les grandes lignes de la transformation sur tout le territoire : mobilités, agriculture et alimentation, économie plus circulaire, gestion durable des forêts et des sols… Pour qu’elle soit une réussite, il faut que tous s’engagent : collectivités, entreprises et citoyens !