Le comité d’organisation de Paris 2024 a présenté en mars dernier les premiers résultats d’application de sa stratégie d’économie circulaire pour les Jeux Olympiques. Depuis le dépôt du dossier de candidature jusqu’à l’organisation des jeux, le projet de Paris 2024 a mis en avant une vision nourrie par les principes de l’économie circulaire. A quel point cette stratégie d’économie circulaire est-elle vraiment intégrée dans les JO 2024 ?

 

Dès le dossier de candidature, la ville de Paris s’est engagée dans la construction d’un « écosystème d’économie circulaire des ressources à l’échelle des Jeux »

Les villes candidates pour accueillir les Jeux Olympiques et Paralympiques sont sélectionnées et départagées par le Comité international olympique (CIO) lors d’un congrès, en général sept ans à l’avance. Dans le cas de la candidature Paris 2024, le choix a été validé lors de la 131e session du Comité international olympique qui a lieu à Lima au Pérou le 13 septembre 2017.

Les villes doivent déposer l’un après l’autre, 3 dossiers de candidature différents :

  1. « Vision, concept des Jeux et stratégie »
  2. « Gouvernance, aspects juridiques et financement des sites »
  3. « Livraison des Jeux, expérience et héritage en termes de sites olympiques »

Dès la phase de candidature, Paris avait à annoncer rendre ses Jeux plus responsables en réduisant leur empreinte environnementale. Dans le troisième dossier, Paris décrit sa vision, notamment « construire un écosystème d’économie circulaire des ressources à l’échelle des Jeux », qui se décline à travers les objectifs suivants :

Eau :

Optimiser le cycle de l’eau et valoriser la ressource. Cela passe par l’objectif de « 100% de l’arrosage issu d’eau non potable de récupération » ainsi que le « zéro rejet d’eau pluviale dans le réseau d’assainissement pour toute nouvelle construction »,

Matériaux :

Consolider les filières d’écoconstruction, d’approvisionnement, de gestion, de réemploi des matériaux et des terres. Cela se décline à travers les objectifs suivants :

  • « 100% des matériaux produits pour les équipements et les mobiliers temporaires réutilisés après les Jeux, dont au moins 50% en France sur la base d’une analyse des besoins territoriaux »
  • « 100% des bâtiments neufs faisant l’objet d’une démarche « bâtiment biosourcé » » ;
  • « 95% de réutilisation ou de recyclage des déchets de chantier » ;
  • « Stratégie de réutilisation des matériaux de démolitions sur les sites ».

Alimentation :

Proposer une alimentation de qualité et durable en créant des « partenariats avec les filières locales pour toutes les catégories de produits » et en utilisant de l’alimentation certifiée.

Déchets :

Engager les territoires et les citoyens dans la trajectoire zéro déchet en visant « 80% de réutilisation et/ou de recyclage des déchets pendant la phase opérationnelle des Jeux » ainsi que « 100% des bio déchets valorisés en compostage ou en méthanisation ».

 

Une stratégie qui repose sur l’éco-conception et la seconde vie des produits et matériaux

En novembre 2023, Paris présente sa stratégie et son plan d’actions pour un évènement plus circulaire : « Pensez l’après Jeux avant les Jeux ». Les 3 grands principes de sa stratégie :

  1. Organiser les Jeux avec moins de ressources,
  2. Mieux les mobiliser en favorisant l’éco-conception
  3. S’assurer de leur seconde vie après les Jeux

Afin de s’assurer de l’atteinte des objectifs que Paris 2024 se fixe en matière d’économie circulaire, la ville a calculé en amont des Jeux son «empreinte matière», c’est-à-dire la somme du poids de toutes les ressources mobilisées pour les besoins des Jeux, une première dans l’histoire des Jeux Olympiques et Paralympiques. Paris 2024 a également réalisé, site par site, une cartographie des ressources nécessaires à l’organisation des Jeux avec l’objectif de réduire et mutualiser les ressources, et d’en maîtriser le cycle de vie, avant, pendant et après les Jeux.

 

Les 7 piliers de l’économie circulaire : exemples d’actions aux Jeux 2024

Schéma des 7 piliers de l'économie circulaire

Les 7 piliers de l’économie circulaire (Source : @Ademe)

Achats responsables 

Pour se fournir, Paris 2024 a appliqué sa Stratégie Responsable des Achats définie dès 2019. Dans le cadre de ses appels d’offre, le Comité d’organisation a ainsi privilégié les fournisseurs qui :

  • intègrent des matières premières à plus faible impact telles que les matières recyclées ou les chutes de production,
  • proposent des solutions de seconde et fin de vie des produits (réemploi, réutilisation, recyclage)
  • s’inscrivent dans une démarche d’éco-conception de leurs produits et de leurs services.

 

Éco-conception

Pour les sols de certaines épreuves (handball, volleyball, volleyball assis, basket fauteuil, rugby fauteuil, goal ball et boccia), Paris 2024 a choisi de faire appel à une entreprise française spécialisée dans les revêtements de sol. Les 33 466 m² de sols sportifs fournis contiendront en moyenne 35% de matériaux recyclés et seront 100% recyclables. L’entreprise s’engage à trouver une destination de réemploi dans des établissements sportifs ou scolaires après la compétition, pour la totalité des sols utilisés pendant les Jeux de Paris 2024.

Certains lots de mobilier ont été sourcés directement auprès d’entreprises du secteur de l’Économie Sociale et Solidaire (ESS) dans le cadre du programme ESS 2024, avec l’appui de l’association Les Canaux. Les athlètes retrouveront ainsi dans leurs espaces des tables basses en volants de badminton recyclés, des poufs en toile de parachutes ou encore des chaises en bouchons de bouteilles recyclés.

Concernant les lits des athlètes, il a été choisi de fabriquer les sommiers en France avec 100% de cartons recyclés, et de les recycler en France après l’évènement.

 

Écologie Industrielle et Territoriale (EIT)

Le Centre Aquatique à Saint-Denis récupère la chaleur du datacenter voisin qui permettra de maintenir les bassins à bonne température.

 

Économie de la Fonctionnalité (EF)

Pour chaque objet, Paris 2024 questionne le besoin et mutualise l’utilisation autant que possible. Cette démarche a par exemple permis de réduire de près de 25% le nombre d’articles de mobilier, passant de 800 000 nécessaires au départ à environ 600 000. En complément de cet effort de réduction, le Comité d’organisation privilégie la location ou la mise à disposition plutôt que l’achat, à hauteur de 90% des besoins d’équipement.

Paris 2024 a privilégié la location à l’achat auprès des acteurs de l’événementiel :

  • Sur 2 millions d’équipements sportifs, les ¾ sont loués ou mis à disposition par les fédérations sportives.
  • De même, 75% des équipements électroniques (télévisions, ordinateurs, imprimantes, …) sont loués plutôt qu’achetés.

 

Consommation responsable

Concernant la restauration, Paris 2024 s’est engagé à réduire de 50% le plastique à usage unique par rapport à l’édition des Jeux de Londres 2012. Cela se traduit par des contenants consignés à la source, recyclés et réemployés.

Le Comité d’organisation privilégie des solutions sans emballages en installant des fontaines à boissons, quand la configuration du site le permet, pour réduire significativement le recours aux bouteilles en plastique.

 

Allongement de la durée

Au Village Olympique, le choix a été fait d’installer des cloisons réemployables pour faciliter la transformation des chambres des athlètes en logements ou pour être réinstallées sur d’autres chantiers. Les matériaux et les structures temporaires (tentes, tribunes, bungalows) seront réemployés, réutilisés ou recyclés.

La seconde vie des équipements des Jeux se traduit aussi par l’héritage des équipements sportifs qui bénéficieront aux territoires et aux structures sportives locales.

 

Recyclage

Les 2 500 sièges du Centre Aquatique Olympique et les 8 000 sièges de l’Adidas Arena sont fabriqués à partir de plastique recyclé, permettant une économie de 61 tonnes de CO2.

Les souvenirs et objets promotionnels Paris 2024 mis en vente dans les boutiques dédiées (T-shirts, casquettes, porte-clés, sacs éco-responsables) sont fabriqués à partir de matériaux recyclés. Les mascottes des Jeux sont confectionnées en utilisant des matériaux recyclés dans une usine relocalisée en Bretagne par Doudou & Compagnie

Les 68 podiums des Jeux ont été réalisés en France, avec des matériaux recyclés. Les plaques recouvrant le coffrage en bois ont été fabriquées à partir de plastique recyclé venant de bouteilles de shampoings et de bouchons colorés.

 

Une démarche positive, à revoir dans plusieurs années

Tokyo 2020 a publié en décembre 2021 son rapport final sur la durabilité des Jeux, qui met en évidence les avancées dans les domaines du climat, de l’économie circulaire et de la promotion d’une société durable. Ce rapport détaille les initiatives prises en amont et pendant les Jeux, ainsi que les progrès pertinents réalisés depuis les Jeux.

Parmi les principales réussites de Tokyo 2020, on retiendra : l’utilisation de piles à combustible à l’hydrogène pur pour la production d’électricité, le fait que 99 % des articles non consommables achetés pour les Jeux ont été réutilisés ou recyclés, ou encore que les 5 000 médailles ont été fabriquées à partir de métaux précieux extraits d’appareils électroniques .

8 nouveaux sites de compétition avaient été bâtis conformément à l’Agenda Olympique 2020, qui vise à limiter les constructions et donc à réduire les émissions de carbone liées aux Jeux. Tous sont aujourd’hui ouverts au public et utilisés.

Le village olympique est en cours de transformation pour devenir la première « ville alimentée à l’hydrogène » du Japon, conformément à l’objectif du projet Tokyo 2020 de présenter des solutions durables. Ce lieu, dont l’ouverture est prévue en 2024, devrait proposer un ensemble de services – loisirs, commerces, garderies, centres de soins, location de vélos, covoiturage et bornes de recharge pour les véhicules électriques – dans un cadre respectueux de l’environnement.

 

De son côté, Paris 2024 devrait laisser un héritage dans le développement d’une filière durable et innovante d’organisation des JO, notamment grâce à la méthode de calcul de l’empreinte matière qu’elle a transmise au CIO pour les futurs organisateurs.

Plus largement, en encourageant ses partenaires et fournisseurs à développer de nouveaux modèles économiques, des solutions innovantes, des produits écoconçus, et en imposant la seconde vie et le réemploi systématique de ses équipements, Paris 2024 impulse à plus grande échelle des pratiques davantage circulaires avec l’ambition de les voir perdurer au-delà des Jeux.

Du fait de leur nature et de l’ampleur de l’évènement, les Jeux de Paris 2024 ont la capacité de rassembler, d’encourager les coopérations et de favoriser les échanges de bonnes pratiques entre acteurs des territoires, en faveur d’objectifs communs.

Comme pour les Jeux de Tokyo en 2020, nous ne saurons que dans quelques années, en examinant le bilan de l’après-Jeux, si Paris 2024 aura tenu ses promesses de réemploi et seconde vie des infrastructures, des matériaux et des biens. En attendant, on peut déjà constater que les JOP ont servi d’accélérateur pour la mobilisation des acteurs du territoire vers une logique d’économie circulaire et de pratiques plus durables.

 

Pour aller plus loin, lire sur notre site :

> Obligation du tri à la source des biodéchets : zoom sur la stratégie et le coût de la mise en place d’une collecte séparée – BL évolution (bl-evolution.com)

> Comment mettre en place une stratégie d’économie circulaire sur son territoire ? – BL évolution (bl-evolution.com)

> Ou les autres articles de notre série JOP Paris 2024 : Paris 2024, jeux cyclables : les fruits d’une collaboration réussie entre associations et territoires – BL évolution (bl-evolution.com)