La loi sur le devoir de vigilance des sociétés mères et donneuses d’ordre envers leurs filiales et sous-traitants a été votée en 2017. Les premiers plans de vigilance publiés en 2018 sur l’exercice 2017, ont montré qu’une partie des entreprises ont pris conscience des nouvelles exigences règlementaires et ont intégré les dispositions nécessaires dans leurs documents de référence.
Lors de ce premier exercice, les plans s’étaient concentrés sur l’analyse des risques et la description des actions d’atténuation. Le détail des mesures prises n’était toutefois pas toujours précisé. De plus, les dispositifs de mesure de l’efficacité des plans sont restés majoritairement absents. La fin de ce premier exercice annonçait alors un approfondissement pour la prochaine année des différents éléments du plan, de la démarche de vigilance dans son ensemble et du déploiement des mesures opérationnelles.
Ce que doit contenir un plan de vigilance
Pour rappel, le plan de vigilance doit comporter « les mesures de vigilance raisonnable propres à identifier les risques et à prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l’environnement » résultant des activités des sociétés concernées et de celles de leurs sous-traitants et fournisseurs. Le plan de vigilance doit être réalisé en concertation avec les différentes parties prenantes de l’entreprise. Publié dans la Déclaration de Performance extra-financière (DPEF), le document de référence ou le rapport annuel, le plan de vigilance se structure autour des éléments suivants :
- Une cartographie des risques par pays, destinée à identifier, analyser et hiérarchiser les risques qui résultent des activités des sociétés mères ou donneuses d’ordre, de leurs sous-traitants ou de leurs fournisseurs.
- Des procédures d’évaluation régulière de la situation des filiales, des sous-traitants et des fournisseurs avec lesquels l’entreprise entretient une relation commerciale établie.
- Des actions adaptées d’atténuation et de prévention des risques d’atteinte grave aux droits humains ou à l’environnement.
- Un mécanisme d’alerte ou dispositif de prévention et de protection de la sous-traitance en cas de risque.
- Un dispositif pour suivre les mesures mises en œuvre et évaluer l’efficacité du plan.
Quelle pratique des entreprises ?
Les premiers plans étaient principalement orientés vers la gestion des risques des fournisseurs et sous-traitants, et moins sur les activités propres des entreprises. La méthodologie d’évaluation des risques envers les droits humains et l’environnement était peu détaillée par les entreprises. B&L évolution et l’association Entreprises pour les droits de l’Homme (edh) avaient analysé les premiers plans publiés en 2018 afin d’identifier les pratiques des entreprises et comprendre les enjeux liés à son application.
L’association edh a publié récemment une nouvelle étude analysant les pratiques des entreprises pour le 2ème exercice d’application de la loi. Il ressort de cette analyse que les entreprises ont pris la mesure de l’importance de la publication de leur plan afin de répondre aux exigences réglementaires, mais avant tout de répondre aux attentes de leurs parties prenantes. Selon l’étude, un tiers des entreprises étudiées ont échangé avec leurs parties prenantes dans le cadre de l’élaboration du plan.
Ce deuxième exercice semble montrer une plus grande précision dans les réponses apportées au devoir de vigilance. Parmi les tendances qui se dessinent, les entreprises étudiées ont précisé leurs démarches de prévention des risques, notamment les démarches droits humains (cartographie et mesures dédiées), ainsi qu’au niveau des achats avec des réponses adaptées en fonction du degré de risques.
Des progressions dans les plans de vigilance ?
Les entreprises ont apporté des éléments de réponses sur l’évaluation du plan, absents l’année précédente. En effet, la moitié des entreprises étudiées mentionnent l’utilisation d’un ou plusieurs indicateurs de suivi dans leur plan de vigilance afin de mesurer son efficacité.
Les plans publiés apportent ainsi des éléments plus approfondis à l’analyse, la mesure et la prévention des risques envers l’environnement et les droits humains. Néanmoins, les marges de progression semblent encore importantes pour que l’ensemble des entreprises puissent répondre de manière complète et détaillée aux exigences du devoir de vigilance. Par exemple, la majorité des entreprises utilisent des dispositifs d’alerte éthique comme réponse au déploiement d’un mécanisme d’alerte, exigé dans le cadre du plan. Plusieurs entreprises ont été mises en demeure par des ONG pour manquement au titre du devoir de vigilance. Ces ONG, à l’image du rapport inter-associations publié par Amis de la Terre France, Amnesty International France, CCFD-Terre Solidaire et Collectif Ethique sur l’étiquette, attendent une plus grande précision et des mesures adaptées et opérationnelles de ces plans, notamment selon les risques sectoriels.
L’étude d’edh met également l’accent sur les enjeux liés à l’application de la loi. Les entreprises doivent s’assurer d’identifier les risques les plus élevés en matière de droits humains et environnement afin de dégager un plan priorisé. L’enjeu principal reste d’appliquer en interne ce devoir de vigilance à l’ensemble des activités du groupe ou de l’entreprise, et pas seulement à sa chaîne de valeur.