Les variations climatiques saisonnières font de la France une étape cruciale dans la migration de millions d’oiseaux. Un voyage automnal vers le sud pour rejoindre des températures plus clémentes et un retour au printemps en direction du Nord pour profiter des ressources naturelles et des journées plus longues de nos latitudes tempérées.
L’Hexagone est un couloir (ou corridor) de migration privilégié par de nombreuses espèces. Cet exercice complexe, demande précision et beaucoup d’énergie pour mener à bien cette entreprise.
De nombreux obstacles se mettent en travers de l’itinéraire de la migration. Des phénomènes naturels comme les tempêtes ou anthropiques mettent en péril les populations d’espèces. On peut citer, par exemple, les lignes électriques causant chaque année l’électrocution de centaines de migrateurs, la disparition des espaces de repos et l’appauvrissement des ressources nourricières ou encore l’activité éolienne au sein de couloirs migratoires.
La pollution lumineuse, un enjeu majeur pour la migration
Deux espèces d’oiseaux migrateurs sur trois voyagent de nuit, pour éviter les prédateurs et pour se repérer grâce aux étoiles. Les oiseaux passereaux (passériformes) ou encore les canards colverts (Anas Platyrhynchos) par exemple trouvent leur chemin grâce à la lumière des étoiles et de la lune. L’obscurité et la visibilité des étoiles est essentielle pour la survie de ces espèces et pour mener à bien ce trajet.
La pollution lumineuse est un enjeu majeur dans cette migration. Les sources de lumière au sein des couloirs migratoires trompent les oiseaux, impliquant une modification de trajectoire (s’il y a fuite de la lumière) ou les piégeant au sein des halos lumineux (s’il y a attirance). L’éclairage public, la mise en lumière de bâtiments, les bureaux de building vitrés qui restent éclairés, les spots lumineux sont autant de contraintes physiques et dangereuses pour les oiseaux migrateurs entraînant des milliers de morts à chaque migration.
La lumière artificielle occasionne une mortalité élevée des espèces durant la migration par collision directe ou les exposant à la sur-prédation. Le tournoiement et la désorientation des oiseaux au sein des halos lumineux ou les détours des espèces fuyant la lumière fatiguent considérablement les organismes, énergie indispensable pour traverser la Méditerranée ou le Sahara (Baur et al., 2004).
Des chiffres montrant la gravité de la pollution lumineuse sur la migration
Voici quelques exemples d’événements survenus durant la migration :
• Dans les années 70 : des milliers d’oiseaux sont morts contre une paroi de glace de la Jungfrau (sommet Suisse) éclairée par un projecteur publicitaire (Bruderer, 2002) ;
• 22 janvier 1998 : 5 000 à 10 000 passereaux (Calcarius lapponicus) se sont tués ou blessés sur les mâts de transmission radio près de Syracuse (Kansas). (International Dark-sky Association) ;
• 2001 : En deux jours, plusieurs milliers d’oiseaux en migration se tuent sur le pont Danemark-Suède, dans le brouillard, peu après la mise en route de l’éclairage (International Dark-sky Association) ;
• 11 septembre 2002 : Lors de la commémoration des « twins towers » du Wall Trade Center (USA), un hommage a été symbolisé par la mise en place de deux puissants spots. Située sur un couloir migratoire majeur entre le Canada et les Caraïbes, la lumière des spots a entraîné, en une nuit, la mort de 10 000 oiseaux migrateurs (International Dark-sky Association) ;
• Plusieurs milliers d’oiseaux migrateurs se tuent ou se blessent chaque année sur les buildings de Chicago (International Dark-sky Association) ;
• Les scientifiques estiment que 100 millions d’oiseaux en migration sont tués chaque année aux USA lors de collisions avec des bâtiments éclairés (International Dark-sky Association) ;
Des solutions particulières pour une période particulière
La période de migration est une période sensible qui nécessite une attention particulière en termes d’éclairage. Il est important de bien connaître et de maîtriser son éclairage au cours de la migration de ces espèces qui sont très sensibles aux impacts de la pollution lumineuse.
Des solutions sont déjà mises en place à l’étranger. Depuis l’automne 2000, la ville de Chicago demande, par exemple, aux propriétaires de bâtiments et gratte-ciel d’éteindre, atténuer l’intensité lumineuse ou cacher leur éclairage lors des périodes de migration des oiseaux. Cette mesure a permis de diviser par 20 le nombre d’oiseaux tués !
Nous sommes mi-mars et la migration printanière dite prénuptiale a commencé. En France, le phénomène mérite une attention particulière similaire à la ville de Chicago. Il faut être particulièrement vigilant, surtout ne pas éclairer vers le haut, éteindre, réduire et maîtriser son éclairage. C’est important pour réduire les effets de la pollution lumineuse sur la migration des oiseaux.
Au-delà de la migration, durant le reste de l’année, la pollution lumineuse est un fléau pour l’ensemble des écosystèmes et des personnes. Il est important pour les collectivités et les entreprises d’évaluer leur pollution lumineuse et de mettre en place une stratégie de réduction adaptée aux besoins humains et aux besoins de la biodiversité.
Depuis 2012, des outils existent pour mettre en œuvre des stratégies permettant aux territoires et leurs acteurs de limiter les impacts en termes de pollution lumineuse et de réduire les consommations d’énergie. Découvrez notre fameuse étude de la pollution lumineuse à la Défense.
Et surtout n’oubliez pas d’éteindre la lumière !