Le 22 mars, journée mondiale de l’eau, c’est l’occasion de se pencher sur cette ressource précieuse pour la vie sur Terre. L’eau n’est pas seulement essentielle à la vie, c’est le berceau originel du vivant, dont les premières formes sont apparues il y a près de 4 milliards d’années. Aujourd’hui, elle demeure essentielle pour maintenir toute forme de vie sur notre planète : elle compose les végétaux, les animaux et joue également un rôle crucial dans plusieurs processus géologiques (particulièrement l’eau souterraine). Aujourd’hui, l’eau est “en voie de disparition” : en France, 93 départements ont dû mettre en place des restrictions de l’usage de l’eau en 2022 à cause de la sécheresse (d’après le Centre Régional d’Information pour l’Europe Occidentale des Nations Unies).

En effet, le changement climatique est responsable d’une accélération de la sécheresse dans l’Hexagone et les projections sont alarmantes : une multiplication par deux de la sécheresse des sols d’ici 2050, avec un déficit de deux milliards de mètres cubes d’eau, si la consommation actuelle persiste (DRIAS-Eau, le portail de Météo France).

Face à ces chiffres record et à la perspective d’années encore plus arides, la France s’est engagée dans la mise en place d’un Plan d’Action pour une Gestion Résiliente et Concertée de l’Eau en mars 2023. L’objectif est de mobiliser l’ensemble des acteurs – collectivités, entreprises, citoyens – autour d’une gestion éclairée et partagée de cette ressource vitale.

En cette Journée Mondiale de l’Eau, il est essentiel de reconnaître l’ampleur du défi qui nous attend et de s’engager collectivement pour assurer l’avenir de notre planète bleue. Avec cet article, nous plongeons au cœur des enjeux liés à la ressource en eau, explorant les innovations et les bonnes pratiques qui inspirent déjà l’action pour une gestion responsable et durable de l’eau. 

 

Situations des nappes d'eau souterraines au 1er mars 2024

La sobriété en eau : le “sine qua non” de toute stratégie pour la protection de la ressource

Il est fondamental de souligner l’importance de la sobriété dans l’utilisation de l’eau face aux défis posés par le changement climatique. La sobriété des usages consiste à adopter des comportements et des technologies permettant de réduire les besoins et la consommation d’eau. Cette approche est essentielle pour préserver la ressource en eau, notamment dans les zones sujettes au stress hydrique ou lors de périodes de sécheresse. 

Les effets du changement climatique sur la disponibilité de la ressource sont déjà visibles :  l’intensité de recharge des nappes phréatiques nationales est diminuée en février et mars, présentant un grand contraste entre les régions du Nord, qui sont majoritairement dans un bon niveau, et les régions du Sud, qui ressentent déjà les effets de la sécheresse (d’après le BRGM – Service Géologique National). Plus concrètement, les régions comme le Languedoc, le sud du Massif central au littoral, et le Roussillon, présentent des niveaux bas à très bas des nappes phréatiques, illustrant la nécessité urgente de réduire la consommation d’eau, car les  pressions qui s’exercent localement (diminution des précipitations estivales, davantage de sécheresses, fortes pluies en hiver…) sont susceptibles de s’aggraver sous l’effet des changements climatiques, notamment sur les volumes d’eau et leur qualité. Parallèlement, la hausse des températures augmentera l’évapotranspiration (car les plantes subiront la chaleur), impliquant une diminution de l’eau disponible, tant pour les eaux de surface que pour les nappes.

Ainsi, que ce soit l’eau des nappes souterraines ou les eaux superficielles, la ressource est largement dépendante des paramètres climatiques et de leur évolution attendue au cours du XXIe siècle. Cela met en lumière l’importance d’adopter des comportements responsables et de mettre en place des politiques visant à encourager l’économie de cette ressource précieuse.

Pour les territoires, l’intégration de la sobriété dans ses documents de planification peut prendre plusieurs formes. Pour pouvoir s’engager dans une stratégie de réduction des prélèvements d’eau, il est intéressant de réaliser en amont un audit de la consommation d’eau des bâtiments publics et privés du territoire. Plusieurs collectivités et entreprises mènent des états des lieux et des plans d’action réguliers pour identifier les économies d’eau possibles, à l’image de la Ville de Paris qui, dans le cadre de son Plan Climat, a mis en place un programme d’audit pour ses bâtiments afin de réduire leur consommation d’eau. Comme ce fut le cas pour la Ville de Paris, ce diagnostic permet aussi d’identifier les principales fuites dans le réseau d’eau potable, en installant lorsque c’est pertinent des capteurs pour repérer les surconsommations et agir plus rapidement pour colmater ces fuites. 

Au-delà de ces projets, la collectivité peut aussi travailler sur des éco-gestes comme installer des dispositifs hydro-économes, comme des robinets à faible débit ou des toilettes à double chasse. Par exemple, la Ville de Lyon a équipé ses bâtiments publics de ces technologies, permettant de réduire significativement la consommation d’eau.

Les acteurs publics ont également un rôle clé dans la sensibilisation et la formation des citoyens, ainsi que des agents et élus de la collectivité territoriale concernée. L’exercice de cette compétence est un facteur essentiel pour un usage responsable de l’eau dans tout le périmètre du territoire. Des collectivités comme Montpellier Méditerranée Métropole ont lancé des campagnes de sensibilisation auprès des habitants et des entreprises pour promouvoir l’utilisation rationnelle de l’eau.

Simultanément, et en tant que consommateurs d’eau, les entreprises, en particulier le secteur industriel, présentent un potentiel de réduction des prélèvements d’eau. Par exemple, l’intégration de la sobriété au sein d’une entreprise peut se traduire par l’instauration d’un prix interne de l’eau, comme l’a fait Michelin. Les projets sont abordés en prenant en compte un tarif de 5€ le mètre cube (au lieu de 0,90€ avant), multiplié par un coefficient de stress hydrique spécifique à chacune des zones d’activité. Cette démarche s’inscrit dans une volonté de réduire les prélèvements en eau du groupe de -33% d’ici 2030. D’autres entreprises utilisent des méthodologies basées sur des données scientifiques pour promouvoir une utilisation plus sobre de l’eau. C’est notamment le cas de Carrefour, qui a déployé la méthodologie SBTn (Science Based Targets for nature) pour quantifier sa participation à l’utilisation de l’eau à l’échelle d’un bassin versant et ainsi réduire sa consommation d’eau en fonction des limites écologiques locales. D’autres travaillent à l’éco-conception de leur produit pour réduire l’usage de l’eau directe dans les processus de production ou choisir des matériaux ou composants différents pour réduire la consommation d’eau dans les phases amont de production des matières premières ou transformation. 

 

Innover pour optimiser la disponibilité d’une ressource très limitée : la gestion circulaire de l’eau

Au-delà de la réduction des pertes du réseau et la sobriété des prélèvements, territoires et entreprises peuvent mettre en place des stratégies de valorisation des eaux non conventionnelles lorsque c’est adapté. Il s’agit principalement de la réutilisation des eaux usées traitées, ainsi que la valorisation des eaux de pluie. 

Pour optimiser la disponibilité de la ressource en eau, des initiatives concrètes et inspirantes émergent à travers la France, illustrant la capacité des territoires à innover en matière de gestion circulaire et sobre de l’eau.

Par exemple, sur la valorisation des eaux non conventionnelles : l’Eurométropole de Strasbourg a mené une étude d’opportunités sur son territoire, afin de répondre à un objectif de réduction des prélèvements d’eau de 20% intégré dans son Plan Climat Air-Energie Territorial (PCAET). La démarche a été clé pour la définition des projets les plus pertinents à mettre en place sur le territoire.

Un autre exemple est celui de la ville de Mulhouse, qui a mis en place un système de télégestion avancé pour son réseau d’eau potable. Cette technologie permet de détecter rapidement les fuites et de réagir efficacement pour les réparer, réduisant ainsi significativement les pertes d’eau. Grâce à cette initiative, Mulhouse a pu diminuer de plus de 15% ses pertes en eau sur le réseau, contribuant à une meilleure gestion de la ressource.

La ville de Nantes a adopté une approche innovante pour la gestion des eaux pluviales en créant des jardins de pluie conçus pour recueillir et filtrer les eaux de pluie. Cela permet non seulement de réduire les risques d’inondation mais aussi de réutiliser ces eaux pour l’irrigation des espaces publics. Cette solution naturelle et écologique illustre comment l’adaptation au changement climatique peut être intégrée dans l’aménagement urbain.

De son côté, le Syndicat Mixte du Bassin des Sorgues (SMBS) a mis en œuvre un projet de réutilisation des eaux usées traitées pour l’irrigation agricole. Ce projet pionnier en France permet de soutenir l’agriculture locale en fournissant une source d’eau alternative durant les périodes de sécheresse, tout en protégeant les ressources en eau naturelles. Ce modèle de gestion circulaire de l’eau ouvre la voie à des pratiques agricoles plus résilientes face aux variations climatiques.

En ce qui concerne les entreprises, divers d’acteurs de secteurs variés se sont saisis du sujet. Par exemple, dans le secteur des cosmétiques, un grand groupe s’est engagé à recycler et réutiliser 100% de ses eaux usées issues des processus industriels d’ici à 2030. L’objectif était atteint à hauteur de 15% en 2021. Afin d’aller plus loin, l’entreprise développe une méthodologie afin d’inciter ses principaux fournisseurs à travailler sur leur consommation d’eau. Dans la même optique, un autre groupe vise à transformer l’un de ses sites de production en “usine à eau circulaire” avec l’objectif de réduire la consommation d’eau du site de 50%.

Ces engagements s’étendent également aux autres secteurs comme celui de la construction, où la gestion de l’eau est une forte préoccupation. Des entreprises mettent en place diverses mesures visant à améliorer la gestion de la ressource en eau, notamment par le biais de la surveillance de sa consommation et de la détection des fuites ainsi que de la gestion des eaux. 

 

Préserver la qualité de la ressource en eau : un enjeu de santé et sécurité

Maintenir la qualité de l’eau est essentiel pour assurer la santé des écosystèmes et la sécurité de l’approvisionnement en eau pour tous les usages. Cette qualité est directement liée à son niveau dans les nappes phréatiques. Les régions où les nappes présentent des niveaux satisfaisants après un hiver arrosé sont des exemples concrets de l’impact positif d’une gestion équilibrée et respectueuse de la ressource. La préservation de la qualité de l’eau implique donc une surveillance continue des nappes, particulièrement dans les zones vulnérables comme le Roussillon, où les niveaux restent préoccupants malgré les précipitations. 

Les territoires ont plusieurs pistes d’action pour améliorer et préserver la qualité de la ressource dans leur périmètre, telles que la création de zones humides qui jouent un rôle clé dans la filtration et la régénération de la qualité de l’eau. Le Parc naturel du Haut-Jura a réalisé un projet de réhabilitation visant justement à restaurer les conditions hydriques naturelles et encourager le retour de la végétation typique des tourbières. Les solutions fondées sur la nature [1] comme celle-ci contribuent à maintenir la qualité de l’eau tout en préservant la biodiversité, et à la séquestration carbone.

Autre approche, l’adoption de pratiques agricoles respectueuses, telles que l’agroécologie ou l’agriculture de conservation [2], aide à prévenir la pollution diffuse. En France, le programme « Agriculture Durable de Moyenne Montagne » soutient notamment les agriculteurs dans la mise en œuvre de techniques préservant la qualité de l’eau.

 

L’eau : une ressource à partager

Face aux défis posés par le changement climatique, telles que les sécheresses récurrentes dans le monde et en France, l’adaptation devient impérative pour assurer une gestion durable et équitable de la ressource en eau. En mettant en place des stratégies d’adaptation, avec application de la sobriété et de l’économie circulaire à la gestion de l’eau, la collecte des eaux de pluie, et la réhabilitation des écosystèmes naturels comme les tourbières, nous pouvons non seulement sécuriser notre approvisionnement en eau mais aussi protéger nos écosystèmes aquatiques. Ces mesures de sobriété et d’adaptation jouent un rôle crucial dans la préservation de la ressource en eau pour les générations actuelles et futures en réduisant la vulnérabilité des communautés et des écosystèmes face aux impacts du changement climatique.

Mais le point le plus important est probablement celui du partage. Comment est-ce que l’on partage de manière démocratique une ressource qui va se faire de plus en plus rare. Comment est-ce que chaque acteur est prêt à faire un effort pour réduire ses usages ? Pour mettre à l’arrêt son activité quelques jours ? Voire même pour partager ses réserves avec d’autres en cas de crise extrême ? Pouvoir définir dans les territoires, entre les acteurs, avec les citoyennes et citoyens les priorités d’usage et la répartition des efforts de chacun est l’action à mener pendant que la situation est encore plutôt pacifiée et avant qu’elle se dégrade de plus en plus.

Les équipes de BL évolution sont auprès des entreprises et territoires pour les accompagner dans l’analyse des risques et la mise en œuvre d’une gestion plus sobre de l’eau. Que ce soit à travers la réalisation de diagnostics approfondis et d’analyses de matérialité sur la chaîne de valeur de votre entreprise dans le but de mettre en place une stratégie et une trajectoire de réduction, ou dans le cadre de l’élaboration d’un PCAET, un Plan d’adaptation aux conséquences du changement climatique ou une stratégie d’économie circulaire, notre équipe reste à votre disposition pour accompagner la réussite de votre démarche.

 

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[1]  Les Solutions fondées sur la Nature sont des actions qui s’appuient sur les écosystèmes pour relever les défis que posent les changements globaux à nos sociétés comme la lutte contre les changements climatiques, la gestion des risques naturels, la santé, l’approvisionnement en eau ou encore la sécurité alimentaire.

[2] L’agroécologie est une façon de concevoir des systèmes de production qui s’appuient sur les fonctionnalités offertes par les écosystèmes. Elle les amplifie tout en visant à diminuer les pressions sur l’environnement et à préserver les ressources naturelles. Parallèlement, l’agriculture de conservation est un ensemble de techniques culturales destinées à maintenir et améliorer le potentiel agronomique des sols, tout en conservant une production régulière et performante sur les plans technique et économique.