Grave entorse au sacro-saint principe républicain de l’égalité des chances, la discrimination à l’embauche et dans l’emploi a aussi un coût économique non négligeable. En effet, d’après le dernier rapport de France Stratégie, le seul coût des inégalités d’accès à l’emploi et aux postes qualifiés s’élèverait à 150 milliards d’euros. Leur disparition permettrait une croissance de 6,9% du PIB.
La discrimination à l’embauche et dans l’emploi est le fait d’opérer dans le monde du travail – intentionnellement ou non – « une distinction » entre les personnes, sur la base de critères « non objectivement justifiés par un but légitime », pratique qui est « susceptible d’entraîner un désavantage particulier » pour la personne traitée « de manière moins favorable ». La loi française prohibe vingt-et-un motifs de discriminations, tandis que le droit européen distingue discriminations directes et indirectes.
« Ce n’est pas parce que les discriminations sur le marché du travail sont économiquement coûteuses qu’il faut les combattre. C’est parce qu’elles contreviennent au principe d’égalité et causent de la souffrance. Il se trouve cependant que les discriminations sont économiquement pénalisantes et donc que leur élimination induirait, à terme, un gain substantiel en croissance et en revenu. » Jean Pisani-Ferry, Commissaire général de France Stratégie
Quelques éléments clés
Le 20 septembre dernier, France Stratégie publiait son rapport « Le coût économique des discriminations ». Pour cela, la structure a élaboré une méthodologie permettant de prendre en compte les principales dimensions économiques des discriminations.
Principaux résultats
Les femmes sont fortement pénalisées (en raison de leur nombre) et sur de nombreux aspects :
- Taux d’activité inférieur,
- Moindre accès au CDI à temps plein et
- Salaires inférieurs aux salaires des hommes sans ascendance migratoire.
Les hommes originaires du continent africain sont aussi perdants, mais dans une moindre mesure (fraction beaucoup plus faible de la population) :
- Moindre accès au CDI à temps plein,
- Taux de chômage plus important et
- Taux d’activité plus faible.
Les évolutions sont contrastées :
- Pour les femmes, les écarts se réduisent, surtout pour celles sans ascendance migratoire et
- Pour les hommes natifs des DOM ou originaires du continent africain, on constate une détérioration, sauf pour la dernière catégorie.
Conséquences économiques
Au-delà des conséquences sur les individus qui subissent ces discriminations, celles-ci nuisent :
- Aux entreprises (sous-utilisation des potentiels humains élevés) et
- A l’économie dans son ensemble et aux finances publiques (population en emploi plus faible et productivité moins élevée qui génèrent une production inférieure, donc de moindres recettes et davantage de dépenses publiques).
Quels gains attendre ?
Sur les quatre scénarios envisagés dans cette étude, c’est la réduction des discriminations dont les femmes font l’objet qui contribue le plus à la hausse du PIB. Par ailleurs, les gains associés ne se manifesteront que dans plusieurs décennies, car certains problèmes de discrimination sont profondément ancrés dans les mentalités. C’est pourquoi l’hypothèse retenue est une réduction partielle des écarts.
Le scénario 2 cumule meilleur accès aux postes qualifiés et hausse des taux d’emploi, et laisse de côté les convergences des durées hebdomadaires de travail et des niveaux d’éducation. Dans ce scénario, 97% de l’effet sur le PIB s’explique par une hausse de l’accès aux postes qualifiés et des taux d’emploi des femmes (vs. 3% par celle des hommes).
Dans cette hypothèse, les gains estimés sont les suivants :
- PIB: + 6,9 %, soient 150 milliards d’euros,
- Recettes publiques: + 2,0 % (en % du PIB) et
- Dépenses publiques: – 0,5 % (en % du PIB, hors charges d’intérêt de la dette).
Dans le scénario 4, le PIB pourrait ainsi être augmenté de +14,1 %. Un plan d’action national pourrait un jour permettre de faire converger justice sociale et bénéfice économique.
Dans l’entreprise, la RSE comme solution
C’est à la société française dans son entier qu’il revient de déterminer les actions à entreprendre pour réduire ces écarts.
Si l’entreprise ne peut résoudre seule la problématique, les enjeux de la diversité pour elle sont évidents :
- Etre en conformité avec la loi,
- Optimiser sa gestion des ressources humaines,
- Augmenter sa performance économique et
- Démontrer son engagement et valoriser son image en tant qu’entreprise socialement responsable (RSE).
Encore une preuve s’il en est de l’importance et du retour sur investissement d’une politique RSE en entreprise.