Les 23 et 24 novembre a eu lieu le Congrès National d’Hiver des Junior Entreprises. Regroupant des junior-entrepreneurs de toute la France, cet événement est l’occasion pour leur confédération nationale, la CNJE, de récompenser les plus méritantes au travers de plusieurs prix. Aujourd’hui nous donnons la parole à deux étudiants, dont les junior-entreprises sont arrivées finaliste et lauréate du Challenge Junior Pérenne.
Bonjour Hajar, bonjour Boris. Vous êtes respectivement membres de Etic Insa Technologies et de Centrale Lille Projets, deux junior-entreprises. Pour commencer, pouvez-vous nous présenter vos associations ?
Boris : Bonjour Thomas. Centrale Lille Projets, comme toutes les Junior-Entreprises du mouvement, est une association étudiante loi 1901 implantée dans un établissement d’enseignement supérieur à vocation pédagogique et à activité économique. Sur le modèle d’un cabinet de conseil, notre J.E. délivre des prestations de services à nos clients dont le contenu s’appuie sur les compétences acquises par nos étudiants à Centrale Lille. En ce qui nous concerne, nous pouvons ainsi proposer à nos clients aussi bien des études en ingénierie, informatique ou encore marketing.
Le modèle associatif unique des Junior-Entreprises permet d’une part aux étudiants de l’école de mettre en application leurs enseignements et d’autre part aux étudiants administrateurs de la structure, dont je fais partie en tant que Trésorier, d’acquérir une véritable expérience humaine et professionnalisante.
Hajar : Boris a très bien expliqué ce que sont les Junior-Entreprises. Je peux donc présenter ETIC INSA Technologies, la Junior-Entreprise de l’INSA de Lyon. ETIC développe pour ses clients en région Rhônes-Alpes, en France et en Suisse francophone des missions techniques faisant appel à l’enseignement dispensé à l’INSA. L’informatique et les télécommunications représentent 40% de notre activité, 30% de nos études sont dans le domaine de la mécanique et du génie civil. Le reste reprend toutes les missions transversales qui demandent une association des compétences du type énergie et mécanique ou encore informatique et biochimie.
Vos deux juniors ont été récemment nominées parmi les finalistes du Challenge Junior Pérenne, et c’est finalement Etic Insa Technologies qui a gagné ce prix ! Hajar, peux-tu nous en dire plus sur ce concours ?
Hajar : Chaque Junior insiste sur la réalisation d’actions efficaces sur le long terme parce que la perte des connaissances est un risque majeur. Cela commence par la connaissance réelle de la Junior, ses valeurs, ses acteurs et les besoins des différentes parties. C’est la seule façon de rendre les différentes stratégies durables. Ensuite, chaque membre d’une Junior prend durant son parcours, conscience de l’importance de son action et de la responsabilité qui lui incombe. Enfin arrive le transfert de connaissance. Il est le bien le plus précieux d’une Junior. Être capable d’apprendre et de faire don de ses connaissances apprises, ceux sont les conditions nécessaires à un membre pour réussir à pérenniser une action. C’est là seulement que s’opère le retour sur investissement.
Ceci est la clé de la pérennité de structures comme les nôtres. Savoir mobiliser les bonnes ressources du mandat N-3 à N+2 et choisir les actions qui vont dans la même direction, celle de la performance et de l’excellence. Reste la question du sens à donner à ses actions. Ici intervient la responsabilité sociétale. Et c’est là toute la force de ce challenge. La pérennité s’atteint dans le respect de l’environnement dans lequel nous agissons, de tous les acteurs, les clients, les membres actifs et intervenants, l’université ou l’école, les partenaires, les autres juniors, la CNJE et ses mêmes partenaires.
Le challenge Junior Pérenne vérifie que les Juniors intègrent bien ces aspects là dans leur fonctionnement. A ETIC nous avons apprécié une telle démarche de la CNJE et nous l’en remercions, parce que ce prix a joué le rôle de piqure de rappel des fondamentaux.
L’un des critères de sélection était la gestion des parties prenantes, une composante majeure de toute démarche de responsabilité sociétale. Quel type d’actions mettez vous en place ?
Hajar : Je rappellerai les trois valeurs d’ETIC et de l’INSA de Lyon pour commencer, Excellence, Humanisme et Diversité. Nous nous engageons auprès des différentes parties prenantes au travers de ces mêmes valeurs.
La diversité s’articule autour de deux points. Aujourd’hui, 0€ sont reversés à nos membres actifs. Les seuls à être rémunérés sont les membres intervenants. Cela est dû au fait que le cadre légal impose qu’un intervenant doit être citoyen de l’Union Européenne. Or à ETIC comme à l’INSA, l’ouverture à toutes les cultures et nationalités est une priorité : 73 nationalités à l’INSA, 17 à ETIC. Le bénévolat est apparu alors comme la meilleure solution, le chargé d’affaires ou le correspondant qualité sur une étude cherchent ainsi d’autres leviers de motivation et donnent un autre sens à leurs activités. Le deuxième concerne l’égalité hommes-femmes. 37% de femmes ingénieures à ETIC et 33% à l’INSA. A noter que l’INSA est supérieure de 6% à la moyenne nationale. Ceci est une fierté à ETIC car nous ouvrons par ce biais les portes des entreprises et de l’entrepreneuriat aux jeunes filles élèves ingénieur à l’INSA de Lyon.
L’humanisme prend la forme chez nous de la formation. Elle est la raison d’être d’ETIC. Ainsi, énormément de formations sont dispensées par nos partenaires, en développement commercial, en communication, en réalisation de mission, etc. J’en profite alors pour remercier Amaris et Hilti, nos partenaires, pour leur soutien indispensable et leur accompagnement sans faille. Cela passe aussi par les missions recherchées pour nos intervenants et proposées à nos clients. L’intérêt d’une mission réside dans sa forte plus-value pédagogique. Les élèves-ingénieurs à l’INSA ont un esprit vif et curieux. Pour les intéresser, il faut trouver LA bonne étude. Nos clients le savent et c’est pour cela qu’ils nous sollicitent.
L’excellence à ETIC. Tout commence par la motivation du membre actif qui doit rapidement devenir proactif. Elle passe par le poste occupé et l’apprentissage attendu, par la volonté de gravir le plan de carrière et de gagner en responsabilité et enfin par la reconnaissance du travail fourni par chacun. Tout le monde commence avec les mêmes chances. Quel que soit le profil au départ, il faut choisir un pôle et prendre le poste de Junior. Pendant les six mois, il faut faire preuve d’endurance, de patience et de persévérance. Devenir chargé d’affaires est un premier aboutissement dans la carrière d’un membre. Une sélection a-posteriori sévère garantit à nos clients les meilleurs collaborateurs. En effet, nous sommes orientés client depuis 2012, année où nous avons réorganisé nos processus suivant la norme ISO 9001. Nous commençons par l’écoute du client et nous finissons par sa satisfaction, il s’agit de notre premier indicateur de performance. La qualité des produits est abordée dans deux documents qui engagent directement le conseil d’administration et le président de la structure, le premier est l’engagement du conseil d’administration que l’on retrouve dans le manuel qualité d’ETIC et le deuxième est la politique Qualité qui est publiée sur notre site internet et affichée au local.
Cette question mériterait plus de temps, plusieurs acteurs sont omis, l’administration de l’INSA, les Jeunes Lyon (regroupement des Juniors Lyonnaises), la CNJE, le MAJETIC (le groupe alumni d’ETIC)… C’est toujours surprenant de voir à quel point chaque réseau est important et comment la Junior gagne à se rapprocher de tous.
Boris : La durabilité est l’une des 3 valeurs essentielles de Centrale Lille Projets, et cela passe notamment chez nous par l’identification, la compréhension et la gestion de nos parties prenantes. Nos actions ont ainsi pour but de créer, consolider et développer nos relations avec celles-ci. Les parties prenantes principales en J.E. comme en entreprise sont nos clients : nous avons ainsi mis en place depuis plusieurs années un système de management de la qualité axé sur la satisfaction client, comme le délai de réponse en moins de 24h, la mise à disposition d’un interlocuteur unique et privilégié pour chacun de nos clients, ou encore l’enquête de satisfaction en fin de projet visant à diriger nos actions correctives. Cette démarche est d’ailleurs appuyée par la certification ISO 9001 que nous devrions obtenir d’ici la fin de l’année.
Autre partie prenante très importante en Junior, les étudiants de l’école : ce sont en effet eux qui réalisent les projets de nos clients. La première action sous notre mandat, suite à la solidité financière acquise de notre J.E., a ainsi été d’augmenter de 10% la rémunération moyenne de nos réalisateurs; nous n’hésitons pas non plus à augmenter la rémunération d’un intervenant ayant réalisé un travail particulièrement bien fait. Nous utilisons également une mailing pool pour pouvoir sélectionner aux mieux nos étudiants sur les projets de nos clients selon leurs propres volontés.
Une autre partie prenante importante en Junior vu son statut est l’administration de l’école. Nous entretenons ainsi depuis plusieurs années d’excellents liens avec notre administration, ce qui nous permet par exemple d’obtenir régulièrement des projets de leur part, le dernier datant de la semaine dernière.
Enfin, une partie prenante tenant très à cœur Centrale Lille Projets est son réseau d’alumni. Nous avons par exemple créé il y a quelques années un conseil consultatif opérationnel ainsi qu’un conseil d’orientation stratégique, composés d’anciens de la Junior et ayant respectivement pour but d’aider le mandat en place dans sa gestion quotidienne et dans la définition de sa politique stratégique. Nous entretenons ce contact via des newsletters et des rendez-vous annuels permettant l’échange entre actuels et anciens Junior-Entrepreneurs. Un moment symbolique de cette politique a été l’organisation en avril dernier d’un événement sur Paris à l’occasion des 40 ans de notre association, auquel beaucoup d’anciens ont répondu présent dont plusieurs membres fondateurs.
La mise en place d’une politique RSE complète faisait elle aussi partie des critères de sélection. Comment intégrez vous la RSE dans le fonctionnement de votre junior-entreprise ?
Boris : La RSE consiste en une gouvernance consciente et responsable des enjeux sociaux, économiques et environnementaux. Comme nous venons de le voir, nous avons une approche sociale forte de notre responsabilité à travers notre gestion de la satisfaction de nos réalisateurs : cette approche est d’autant plus importante en Junior qu’en entreprise car nous sommes dans le cadre de relations étudiant-étudiant et non patron-salarié. Ceci implique une attention toute particulière à leurs demandes car nous ne sommes pas sur un marché des talents contrairement aux entreprises.
N’étant pas à but lucratif, nous nous efforçons également à mobiliser nos fonds propres pour améliorer les conditions de travail de nos réalisateurs, de nos chargés d’affaire et de nos administrateurs. A titre d’exemple nous avons cette année remeublé entièrement notre local donnant ainsi plus d’espace et de convivialité. Nous avons également changé la totalité de notre parc informatique pour accroitre notre productivité. Enfin un certain nombre d’actions de team building sont appliquées pour lutter contre le fort turn-over régnant en junior, comme des afterworks, des week-ends de formations et d’échanges.
Sur le plan environnemental nous avons un impact négligeable car dépendant directement la plupart du temps de l’école elle-même, c’est pourquoi notre politique ne se base pas dessus. Nous avons toutefois entamé une réflexion cette année sur l’intégration, dans nos domaines de compétences, de prestations à caractère environnemental, comme les bilans énergétiques, l’éco-conception ou encore les bilans carbone : nous allons ainsi pouvoir entreprendre une campagne de sensibilisation autour de ces problématiques à travers nos activités.
Hajar : Comme nous avons pu le détailler à la question précédente, la RSE commence par l’intégration des parties prenantes à la vie de la structure. De plus l’éthique de notre fonctionnement est la preuve même de notre engagement sociétal. Nous veillons à ce que nos membres partagent cette vision. Un ETICIEN à l’entrée aime apprendre et à la sortie présente des qualités inculquées par ETIC. Il est une personne intègre, qui réalise l’importance du travail en groupe dans la réussite d’un projet et qui voit dans le mot professionnalisme se décliner les mots rigueur, sérieux, respect, responsabilité et communication.
Aujourd’hui, beaucoup de choses ont été menées en RSE. ETIC démarre un nouveau chantier, celui du développement durable. Ainsi, nous réalisons prochainement un bilan carbone, et nous nous associons à des acteurs majeurs du vert à ETIC pour participer à l’aventure de l’eco-campus à l’INSA de Lyon.
En répondant à vos questions, je réalise la chance que nous avons d’être en Junior-Entreprise et de pouvoir expérimenter ce qui se fait de mieux en entreprise et de l’adapter, l’appliquer et l’améliorer. Une Junior-Entreprise est un merveilleux terrain de jeu, un excellent terreau pour les talents en devenir. Nous le vivons tous les jours à ETIC et c’est un réel bonheur.
Ces démarches pourraient-elle être appliquées facilement dans d’autres Junior-Entreprises? Votre confédération met-elle à votre disposition des outils pour vous y aider?
Boris : Vu que les Junior-Entreprises sont implantées directement dans des écoles d’enseignement supérieur, leur impact environnemental n’est pas significatif. Cependant les Juniors ont une envergure sociale importante et il est donc tout à fait légitime pour elles d’entreprendre une démarche RSE sur ce plan, et notamment en travaillant sur la relation étudiant-étudiant.
Actuellement la Confédération Nationale des Junior-Entreprises n’a pas d’outils à proprement parler de RSE, cependant chaque année sont délivrés, lors de la campagne d’audit, des conseils en management : c’est ainsi l’occasion pour les structures du mouvement de réfléchir sur la qualité de leur système de gouvernance et de gestion des ressources.