Elle est devenue l’un des acteurs incontournables de la transition énergétique en France : l‘association négaWatt.
Constituée d’experts indépendants de l’énergie, elle construit et met à jour, depuis 2003, un scénario de transition énergétique qui a le mérite de s’intéresser à tous nos usages énergétiques, sans se limiter à l’électricité (qui ne représente que 20% de notre consommation d’énergie). Industrie, transports, alimentation, chaleur… tout y passe.
Le 25 janvier dernier, c’est dans un amphithéâtre plein à craquer de l’Espace Reuilly, dans le 12ème arrondissement parisien, que l’association présentait l’actualisation de son scénario pour la période 2017-2050.
Les 3 principes de la transition énergétique
La démarche de négaWatt s’appuie sur 3 piliers fondamentaux. Sobriété, efficacité et renouvelables, tels sont les maîtres mots de la transition… et dans cet ordre !
Plutôt que de partir des ressources valorisables sur notre territoire, l’association s’intéresse d’abord à nos besoins énergétiques. Commence alors l’avènement de la sobriété énergétique et de la chasse aux « négaWatt » : cette énergie dont on pourrait se passer pour sortir de notre état actuel d’ « ébriété énergétique ». La sobriété s’articule entre deux rouages : d’une part, lutter contre les gaspillages et d’autre part, réfléchir aux besoins suffisants aux développements économiques et humains de notre société. Réduction des distances domicile-travail via une révision de l’aménagement du territoire, lutte contre la pollution lumineuse, changement de régime alimentaire vers une réduction des apports carnés : le champ des possibles est large et aucun poste n’est négligé.
C’est alors que le second pilier de la transition fait son entrée en scène. L’efficacité énergétique permet de réduire les consommations d’énergie en exploitant les derniers progrès techniques. Ainsi, on diminue les consommations d’énergie tout en conservant le même niveau de service rendu. Là aussi, le potentiel est considérable : rénovation rapide des logements et des bureaux, déploiement massif de pompes à chaleur à haut rendement, généralisation de la voiture à 2L/100km… les solutions ne manquent pas.
Ambitieux, le scénario négaWatt prévoit une division par 2 des consommations énergétiques françaises d’ici à 2050. Il est intéressant de rappeler ici que cet objectif n’est autre que celui défini depuis 2015 dans la loi de transition énergétique pour la croissance verte. Sauf que jusqu’à maintenant, cette loi n’a pas réussi à donner une vision claire sur la marche à suivre. Seulement, c’est à cette seule condition que semble techniquement envisageable le troisième pilier de la transition : produire 100% de nos besoins énergétiques (électricité, transport, chaleur…) à partir d’énergie renouvelable.
Le scénario détaille précisément par source, quel type d’énergie est utilisé. Sortie progressive et raisonnée du nucléaire, développement de la biomasse pour assurer le stockage de l’électricité (« Power to Gas ») et le transport, développement du fret ferroviaire, révolution agricole… La force du scénario négaWatt réside dans la diversité des solutions proposées.
Une évaluation économique et une trajectoire de mise en œuvre
Le scénario négaWatt ne se contente pas de décrire un futur technique possible pour l’énergie en France. Entre 2017 et 2050, la trajectoire de déploiement de l’armada sobre, efficace et renouvelable est décrite précisément pour chaque solution. Ce panorama technique devrait bientôt être suivi par la publication d’une feuille de route économique et politique permettant de guider la transition. L’actualisation du scénario est aussi accompagnée de l’actualisation de l’évaluation économique des impacts de la transition sur les investissements, l’économie et l’emploi en France. Le coût de la transition est évaluée à 1 160 milliards d’euros (G€) cumulés d’ici à 2050. Soit 500 G€ de plus que le scénario tendanciel. Cependant, en tenant en compte du retour sur investissement lié aux économies d’énergie, le scénario négaWatt apparaît comme excédentaire de plus de 700 G€ par rapport au scénario tendanciel. Autre impact, la disparition de l’utilisation des énergies fossiles permet aussi de soulager grandement la balance commerciale française, augmente la résistance de l’économie aux futures crises énergétiques et fait disparaître notre dépendance géopolitique aux pays pétroliers du golfe ou gaziers comme la Russie.
En matière d’emplois, il apparaît que certaines filières seront sans aucun doute impactée négativement par la transition. Cependant, le développement massif des économies d’énergie et du renouvelable ouvre aussi de belles perspectives industrielles et économiques. Résultat : 600 000 créations d’emplois net d’ici à 2050.
« Il est intéressant de noter ici que la méthode d’évaluation utilisée par l’association (basée sur le contenu en emplois de chaque filière) correspond à celle utilisée par B&L évolution pour son étude sur les Territoires à Energie Positive pour la Croissance Verte (TEPCV) », précise Guillaume Martin.
Pas étonnant dès lors que les résultats attendus en matière de création d’emplois par euro investi soient identiques à ceux de notre étude. L’association affirme que la transition énergétique implique une profonde mutation de nombreux secteurs économiques. B&L évolution s’associe à ce message, rappelant que les territoires portent une responsabilité importante dans les orientations énergétiques et économiques possible notamment via la réalisation de PCAET.
Les entreprises françaises ont également leur carte à jouer pour se positionner sur ces nouveaux marchés porteurs et construire l’avenir industriel qui fera la richesse future de la France. L’article 173 de la loi sur la transition énergétique qui impose aux investisseurs plus de transparence sur le risque climatique de leur portefeuille est un levier activé par le législateur pour entamer cette transition.
A l’épreuve des faits et de l’urgence climatique
Presque 15 ans après la publication du premier scénario négaWatt, il est important de souligner que l’épreuve des faits donne pour l’instant raison aux experts de l’association. A l’époque, de fortes critiques avaient accueilli un scénario jugé utopiste. Aujourd’hui, force est de constater que la trajectoire décrite par négaWatt est non seulement réaliste, techniquement possible et surtout, extrêmement nécessaire compte tenu de l’urgence climatique. Aujourd’hui, il s’agit de la seule trajectoire crédible et sur la table qui permettrait à la France de respecter ses engagements en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. En effet, la mise en place du scénario négaWatt permettrait de diviser par 7 les émissions totales d’ici à 2050.
Aujourd’hui l’application du scénario négaWatt à la France semble être ralentie par de nombreux verrous institutionnels, économiques, politiques et comportementaux. Néanmoins, les experts de négaWatt ont aussi extrapolé ce modèle de transition énergétique à l’ensemble du globe et aux calculs du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC).
Résultat : si tous les pays du monde s’engagent dès aujourd’hui sur une trajectoire similaire au scénario négaWatt, nous avons 80% de chance de limiter le réchauffement climatique à 2°C. Qu’attendons-nous ?
Pour aller plus loin : consultez le Scénario négaWatt 2017-2050.