Mardi 14 avril 2015 se tenait à Bercy la troisième conférence annuelle du Point de Contact National (PCN) Français de l’OCDE, ouverte par son nouveau président Jean-Marie PAUGAM et la Directrice générale adjointe de la DG Trésor, Sandrine Duchêne. Le PCN France est une organisation tripartite regroupant des représentants de syndicats de salariés, d’entreprises et des administrations. Ce modèle original français lui confère une grande indépendance et renforce la légitimité de ses décisions et favorise son installation dans le paysage national mais également à l’international, même si l’on peu regretter l’absence des ONG dans sa composition.
Les activités du PCN sont la résolution de conflits et de médiation, qui représentent une activité soutenue et en hausse avec 4 saisines traitées en 2014 (34 pour l’ensemble des pays de l’OCDE) et 4 suivis d’activités. Le bilan qui en ressort est que les entreprises françaises se montreraient de plus en plus disposées à dialoguer et à coopérer avec le PCN. L’autre activité principale est la promotion de l’application des principes directeurs de l’OCDE à travers une communication sur ces principes qui est en hausse. La Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH) a récemment attribué la note de 9,1/10 à la France sur la question des droits humains.
En France, le cadre légal de la RSE progresse, notamment depuis le Grenelle qui impose un devoir de vigilance ainsi qu’un reporting des activités et une meilleure transparence. Le dialogue institutionnel est aussi en progression, favorisé entre autre par l’essor de la Plateforme RSE. Enfin, les entreprises multinationales intègrent de mieux en mieux la RSE avec 60% d’entre elles déclarant la mise en place certaines mesures.
Le panel est ensuite revenu sur une série de cas traités par le PCN pour montrer ce qui a été la clé dans les cas de réussite. De grands groupes français comme Bolloré ou Michelin sont concernés. Habituellement, le processus prévoit 3 mois d’évaluation de la saisine suivis d’une année dédiée à la résolution du conflit. L’exemple d’Accor au Benin et au Canada s’est avéré être un cas particulièrement long et complexe mais qui au final est parvenu à se dénouer grâce à la coopération globale. L’une des clés principales de la réussite et de la confiance dans le PCN provient de son suivi des saisines pour s’assurer de la continuité des recommandations. Un grand bon en avant à été réalisé en 2011 lorsque l’OCDE a révisé ses principes directeurs pour introduire la responsabilité envers les chaîne d’approvisionnement des multinationales en plus des investissements effectués, ce qui augmente considérablement le champ de responsabilité des pratiques des multinationales.
Dans un deuxième temps, le panel a dressé un bilan de la situation 2 ans après la catastrophe du Rana Plaza au Bangladesh. Aujourd’hui, un peu plus de 200 entreprises sont inscrites au Pacte Mondial sur la durabilité lancé par l’Union Européenne dans le but d’améliorer les conditions de travail mais aussi la santé et la sécurité ainsi que d’inciter les entrepreneurs à adopter une conduite plus responsable. Cependant, il n’existe pour l’instant toujours pas de régime de couverture des accidents du travail au Bangladesh. La mobilisation internationale à permis de remplir deux-tiers du fond jugé nécessaire pour indemniser à 100% les 1100 victimes et leurs familles. Des efforts restent à faire.
Dans cette affaire, certains industriels se défendent en expliquant que l’accent doit être mis sur la responsabilisation des fournisseurs et continuer de multiplier les audits. Une harmonisation de ces normes d’audits ainsi qu’une mise en commun des résultats permettrait de faire converger les critères et les processus afin d’avoir une vraie matière à comparaison et des standards communs. Il a été rappelé que dans le cadre de la loi Française sur la RSE, seules environ 200 entreprises de plus de 5000 salariés sont concernées.
Enfin la troisième partie de la conférence s’est portée sur l’insertion des entreprises dans leurs écosystèmes locaux à travers une identification des risques, une consultation des parties prenantes ainsi qu’une responsabilisation des relations d’affaires. Les multinationales sont de plus en plus à-même de coopérer avec le PCN pour appliquer ses recommandations et revoir leurs impacts dans les pays où ils exercent leurs activités.
Une étude d’Harvard a démontré les couts importants liés au manque de considération des parties prenantes dans le cadre des activités extractives (de l’ordre de 20 millions par semaine). D’autre part, ce secteur concernerait 40% des violations des droits humains liées au travail. Il y aurait donc un manque à gagner économique et social à ne pas faire de la RSE, dans le domaine extractif de manière empirique mais théoriquement dans toutes les autres activités aussi. La RSE serait-elle alors un facteur de compétitivité ? La reformulation de la problématique de la RSE en termes de couts et bénéfices pour les entreprises sera peut-être la clé pour renforcer son intégration dans les pratiques des multinationales. Plusieurs industriels semblent avoir pris conscience que leurs couts d’approvisionnement, leur performance globale, et leur image réputationnelle dépendent aujourd’hui de leur politique RSE.
Certains industriels soulignent que la saisie du PCN a joué un rôle essentiel dans la diffusion en profondeur des principes RSE au sein de leur entreprise. D’autres s’inquiètent que leur politique RSE ne devienne une menace juridique pour les entreprises volontaires. Derrière ces inquiétudes se dresse la question du cadre légal et juridique de la RSE au niveau national et international ainsi que son modèle économique. Sur le sujet, le MEDEF prépare une étude sur le facteur compétitif d’une politique RSE. Le modèle français semble reconnu puisqu’une transposition au niveau Européen est à l’étude.
On regrettera tout de même le peu de cas liés aux impacts environnementaux et sur la biodiversité, dans les actions et communications du PCN mais également dans les saisines. Peut-être que les ONG environnementales ont une mauvaise connaissance de cette instance ? La prise en compte de ces enjeux devrait être un point majeur de travail.
par Guillaume, Nicolas et Sylvain