Les organismes de recherche, les associations et les entreprises travaillent depuis plusieurs années sur des initiatives riches en innovations sociales, technologiques, économiques ou environnementales. Le Livre Blanc de la plateforme associative ALLISS (téléchargeable ici) contribue à mettre en exergue les collaborations entre ces différents acteurs car leurs travaux ne sont pas, pour la plupart, reconnus et sont loin d’être suivis ou facilités par les politiques publiques. Pourtant, on compte par exemple 3,5 millions de PME sur le territoire français, soit 99,9% des entreprises, très souvent exclues des dispositifs d’aide à la recherche et à l’innovation. C’est pourquoi une proposition « d’Agenda français de la société de la connaissance » a été lancé afin de mieux mettre en valeur, voire de reconnaître, les contributions sociales et économiques de ces exclus d’activités d’innovation et de recherche, qu’ALLISS appelle le Tiers État de la recherche.
Font partie de ce Tiers État de la recherche les associations, les syndicats, les coopératives, les mutuelles, l’économie sociale et solidaire, les auto-entrepreneurs, les petites entreprises ou encore les groupements agricoles ou d’artisans. Ceux-ci s’engagent au quotidien dans la production de connaissances mais leurs activités restent encore invisibles à ce jour. Il est donc vital de les reconnaitre comme partenaires de l’enseignement supérieur et de la recherche et d’adapter les dispositifs en place. L’objectif central de ce Livre Blanc est de placer, vis-à-vis de l’enseignement supérieur et recherche, les acteurs du Tiers État de la recherche au même niveau que celui de l’État (pour l’appui aux politiques publiques) et des entreprises (pour l’appui à l’innovation).
Quels avantages pour les PME à s’investir dans la recherche ?
L’avantage de ces collaborations entre petites et moyennes entreprises et instituts de recherche, les associations… par exemple, c’est qu’elles permettent à certains d’obtenir l’appui de spécialistes mais également de faire émerger des sujets qui ne leur sont pas familiers. Chacun peut apporter son expertise, ses expériences, ses résultats dans de nombreux secteurs (qui ne sont pas seulement technologiques) et participer à la production de connaissance, à la recherche et à l’innovation. C’est ce qui est appelé ici l’innovation élargie.
Un des cas présentés dans le Livre Blanc est celui de Tela Botanica, un réseau de professionnels et amateurs botanistes qui contribuent bénévolement à la collecte de données et au développement de connaissances sur les plantes. La légitimité de ce projet est de créer des partenariats avec des laboratoires de recherche. Les amateurs y jouent un rôle essentiel et légitime dans la production de connaissances, régulée par des formes de contrôle qualité portées par le réseau. “Les données produites doivent être valides et validées pour être réutilisées dans les politiques publiques. Monter en compétence, c’est important”, indique Christel Vignau de Tela Botanica.
De même, des savoirs-faire artisanaux peuvent être enseignés et utiles aux employés de grands groupes afin de faire perdurer une méthode ancestrale, de préserver des ressources ou d’innover. Car oui, l’apport de la connaissance peut aussi se faire “d’en bas” ! “La vision que l’on se fait de la recherche et l’innovation est la même que dans les années 50…”, se désole Lionel Larqué, délégué général d’ALLISS. “Il y a un regard à changer dans le monde politique, de l’enseignement et de la recherche d’un côté, cela va prendre du temps” réagit Sylvain Boucherand, PDG de B&L évolution et administrateur d’ALLISS. « On observe également des groupes d’entreprises dans certaines filières qui font émerger des connaissances ou nouvelles techniques. Souvent des PME de taille importante qui mobilisent, dans le cadre de leur démarche RSE, des TPE prestataires ou fournisseurs » ajoute-t-il.
Quelles propositions pour un développement de la recherche ?
Le Livre Blanc d’ALLISS propose aux pouvoirs publics et aux candidats des élections présidentielles 2017 une feuille de route pour les années à venir. Ce document est la réflexion commune de plus de 1500 personnes et 450 organisations (associations, syndicats, entreprises de l’économie sociale et solidaire) qui se sont rassemblées afin d’apporter des solutions sur tout le territoire. “Ce Livre Blanc met en lumière ce qui manque et soutient ce qui bouge”, explique Pierre-Benoit Joly, coprésident d’ALLISS et directeur de recherche Inra.
Des constats essentiels ont été observés comme l’engagement pour les causes communes et la création de connaissances utilisables dans l’action. Il est donc nécessaire de soutenir ces projets, notamment d’un point de vue législatif et budgétaire. ALLISS souhaite donc que l’État équipe ses ministères d’une politique transversale de recherche renouvelée pour accompagner, sécuriser et outiller ce Tiers État de la recherche. Les échanges entre les acteurs publics (collectivités territoriales, enseignement supérieur et de recherche…) et le Tiers Etat de la recherche ne seront que plus facilités. “Tous les acteurs souffrent d’une politique publique en silo et fermée sur elle-même. Il faut fortement accélérer la re-territorialisation de la recherche. Surtout que les moyens sont là : 2,2% du PIB sont pris pour la recherche et l’innovation. C’est le pari du futur !”, affirme Lionel Larqué.
Le sujet de la recherche est peu présent dans le débat présidentiel. « Pourtant au niveau international les enjeux ont été identifiés dans l’Agenda 2030. Si l’on prend l’ODD 17 sur les partenariats, il est clairement mentionné la nécessaire mobilisation de l’ensemble des acteurs publics, des entreprises, des associations pour favoriser la recherche et l’innovation pour résoudre les défis du développement durable », conclut Sylvain Boucherand.