Afin de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C, il est urgent de réorienter les flux financiers relatifs aux énergies fossiles vers la transition énergétique. Le court-termisme de nombreux acteurs financiers joue malheureusement un rôle important dans le dysfonctionnement de nos sociétés. Le CESE a décidé de rendre son avis sur la finance durable intitulé « Demain, la finance durable : Comment accélérer la mutation du secteur financier vers plus de responsabilité sociale et environnementale ».
Présenté au nom de la Section de l’économie et des finances par Guillaume Duval, éditorialiste à Alternatives économiques, et Philippe Mussot, membre du groupe CFDT, cet avis propose 3 axes d’actions pour accélérer la mutation du secteur financier vers une plus grande responsabilité sociale et environnementale. Les 14 préconisations mentionnées concernent le cadre réglementaire en France et en Europe, les investissements ISR et la prise en compte des parties prenantes de la finance durable.
Quelles propositions pour que la finance durable trouve sa place dans le système financier ?
Le secteur de la finance peut être amené à financer, directement ou non, des activités qui contreviennent aux droits humains ou qui s’avèrent nuisibles à l’environnement, favorisant ainsi le changement climatique ou menaçant la biodiversité. Le CESE s’est donc efforcé de déterminer les leviers à actionner dans le but de répondre aux urgences sociales et environnementales.
AXE 1 : Adapter le cadre réglementaire en France et en Europe
Le CESE propose dans un premier temps d’adapter le cadre réglementaire en France et en Europe, en renforçant par exemple le reporting des acteurs et actrices financiers par la déclinaison au niveau européen du reporting prévu par l’article 173 de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Cet article instaure, pour la première fois en France, des obligations d’information pour les investisseurs et investisseuses institutionnels (entreprises d’assurance, mutuelles, sociétés de gestion, institutions de prévoyance, institutions de retraites complémentaires publiques et privées) relatives à leur gestion des risques liés au climat, et plus largement, sur l’intégration de paramètres environnementaux, sociaux et de gouvernance dans leur politique d’investissement. Il est à se demander si cette exigence de reporting doit également adapter la loi Pacte au-delà des frontières françaises pour mieux prendre en compte les enjeux sociaux et environnementaux dans les statuts des entreprises. Il serait peut-être plus intéressant de prendre en compte les 17 objectifs de développement durable (ODD) pour mesurer les impacts sociaux (mesure peu/pas établie chez quelques investisseurs et investisseuses) si l’on souhaite adapter un cadre réglementaire commun.
Au niveau européen toujours, des obligations de transparence auxquelles seront tenues les agences de notation extra-financière et les modalités de certification de leurs procédures de notation doivent être définies. L’objectif serait de rendre obligatoire la notation extra-financière des entreprises du secteur financier. Quelques évolutions réglementaires sont également à initier comme l’évaluation de l’impact des normes comptables internationales sur le développement de la finance durable.
AXE 2 : orienter l’épargne vers des investissements ISR de long terme
Dans un second temps, il pourrait être intéressant d’orienter l’épargne vers des investissements ISR de long terme. Le périmètre de l’ISR est plus exigeant que la finance verte car il prend en compte les critères sociaux et de gouvernance dits ESG et intègre le financement d’investissements procurant des bénéfices sociaux et sociétaux tels que ceux visés par les Objectifs de développement durable (ODD). Les bonnes pratiques environnementales, sociales et de gouvernance ont un impact sur les performances financières d’une entreprise à long terme. Les entreprises devraient pouvoir accéder aux financements par des fonds labellisés ISR. Afin de soutenir les ETI et PME non cotées, ainsi que les projets territoriaux de taille limitée, le CESE souhaite qu’une étude soit menée dans les prochains mois par le gouvernement afin de proposer des moyens adaptés pour accéder aux financements par des fonds labellisés ISR, qui pourrait prendre la forme d’un soutien public en matière d’ingénierie pour la syndication de projets territoriaux et de PME.
La notation ESG de l’ensemble des fonds présents dans les produits d’assurance vie, plans et livrets d’épargne soutenus par les pouvoirs publics devrait être obligatoire. L’épargnant.e doit pouvoir souscrire à des supports d’investissement ayant fait l’objet d’une notation ESG et une labellisation ISR. Le CESE souhaite que les pouvoirs publics étudient dès maintenant un système graduant les avantages fiscaux accordés à l’épargne des ménages en fonction du caractère labellisé ou non des différents types de produits d’épargne et en particulier de l’assurance-vie. Un rapport à ce sujet devrait être établi au cours des prochains mois par le gouvernement.
Afin de renforcer le rôle moteur des gestionnaires de fonds publics et paritaires, il serait pertinent d’inviter les partenaires sociaux qui gèrent les régimes obligatoires à établir un plan pour investir, dans les 5 ans, 100% de leurs fonds de réserve en fonds labellisés ISR pour toutes les classes d’actifs couverts par des labels publics.
Axe 3 : renforcer la prise en compte des parties prenantes de la finance durable
Le CESE préconise de renforcer le rôle des acteurs et des actrices de la finance durable dans les entreprises, en donnant plus de poids aux fonds d’investissement de long terme labellisés ISR. Cela reviendrait aux sociétés à accorder aux fonds d’investissement de long terme labellisés ISR des actions de préférence et à leur faciliter l’accès, par la baisse des seuils requis, au dépôt de résolutions en AG sur les seuls thèmes liés directement à la dimension sociale et environnementale de l’activité de l’entreprise.
Afin d’évaluer les risques environnementaux, sociaux ou de gouvernance encourus par l’entreprise, un comité spécifique devra être désigné par le Conseil d’administration pour établir un plan d’action afin de limiter les impacts de leur institution financière. Ce plan devra être soumis chaque année au CA et en CSEC. Le CESE souhaite que les CCE (futurs CSEC) des institutions financières soient consultés annuellement sur la politique ESG de l’entreprise, à l’appui, notamment d’une présentation des données communiquées dans le cadre de l’article 173 de la LTECV, de celles fournies au titre du « reporting public pays par pays » et du plan de vigilance établi par ces entreprises si elles sont soumises à cette obligation. Leur avis serait ensuite publié en annexe des rapports annuels.
Enfin la question de la rémunération des dirigeant.e.s est également abordée. Le CESE souhaite que la rémunération variable des dirigeants et dirigeantes des entreprises financières soit pour une part identifiée par le Conseil d’administration et corrélée à l’évolution de la prise en compte de critères ESG, tels que la notation ESG du portefeuille d’investissement ou la progression des encours labellisés ISR.
La réalité des engagements du secteur financier peut parfois être questionnée. Si certaines institutions financières ont mis en place des stratégies en leur sein, elles ne sont pas toujours lisibles pour le public et la prise en compte des problématiques sociales, sociétales et de gouvernance semble nettement moins avancée. Ces différentes préconisations du CESE constituent une approche pour accélérer le mouvement vers une finance durable.