Le 16 avril, Novethic dévoilait les résultats de ses travaux de recherche sur les fonds durables et publiait un indicateur du secteur, qui se veut pour le moins performant. Les investissements responsables ressortent plus attractifs que la gestion traditionnelle d’actifs : sur l’année 2018, les encours de l’investissement responsable ont progressé de 11% contre une baisse de 6% des encours de la finance classique. La finance durable, qui existe depuis les années 2000, connait un engouement croissant. Renforcée par des dispositifs comme le Plan d’action européen pour la finance durable ou la loi Pacte, où en est la finance durable, derrière laquelle se cachent de nombreuses subtilités ?
L’investissement responsable se développe vite
La finance dite durable se distingue de la finance traditionnelle par le fait qu’elle intègre dans ses prises de décision des critères ESG (c’est-à-dire Environnement, Social et Gouvernance). Il s’agit du concept global derrière lequel on distingue plusieurs catégories. La finance verte s’oriente vers des actions à impact environnemental réduit, facilitant la transition énergétique. La finance solidaire a pour objectif de soutenir des projets dont l’activité a une forte utilité sociale et/ou environnementale. La finance à impact positif, quant à elle, apporte un soutien financier aux projets ayant un impact – ou contribution – social, environnemental ou sociétal fort. Tandis que l’investissement socialement responsable, regroupe de manière plus transversale et générale à la fois des exigences environnementales, sociales et sociétales.
Les fonds, que Novethic qualifie de multi-thématiques, suscitent actuellement le plus l’intérêt des investisseurs. Ne représentant encore qu’un quart du marché des fonds thématiques, ils ont la progression la plus importante (progression des encours de 27,5% en 2018). Ils s’emparent notamment de plus en plus des Objectifs de Développement Durable (ODD) pour témoigner leur engagement. Mais au-delà des chiffres de croissance, d’encours et de performance, il faut surtout noter la part grandissante de cette finance durable dans la finance globale.
Objectifs et maturité des fonds & sociétés de gestion
Cet engouement est bien évidemment partagé par des centaines d’organismes. Mais ces derniers n’ont pas toujours la même vision, ni la même maturité. On le sait, la société est indéniablement plus sensible aux enjeux environnementaux et sociaux. Ce à quoi les fonds d’investissements et sociétés de gestion choisissent de répondre, chacun à leur manière. Certains ont recours à la labellisation, méthode qui permet de mettre en valeur les actions et fonds intégrant des critères environnementaux et/ou sociaux aux yeux des consommateurs et investisseurs. On note entre autres le Label ISR et le Label TEEC (Transition Energétique et Ecologique pour le Climat). D’autres choisissent d’intégrer les critères ESG dans un ou plusieurs de leurs processus, parmi lesquels la recherche (sur les outils d’évaluation des entreprises), la gestion des titres et la gestion des portefeuilles.
En termes de stratégie, certains développent une offre financière durable sur une partie de leurs actifs. Tandis que d’autres ont pour objectif d’étendre des critères de la finance durable à l’ensemble de leur portefeuille, à une échéance courte.
Les défis de la finance durable
Le secteur est en pleine effervescence et les différents acteurs ne se coordonnent pas sur leurs approches méthodologiques : ce qui se traduit par une prolifération des référentiels, méthodes ou indicateurs d’impact. Cela complique grandement la lisibilité des offres… et donc la tâche des commerciaux impliqués dans la promotion de ces produits durables, mais aussi pour les clients, qui ont du mal à comprendre et surtout, à comparer les différentes propositions.
Cependant, il ne s’agit pas uniquement de compréhension, mais aussi de transparence. La multiplicité des indicateurs rend difficile leur vérification et peut laisser la porte ouverte au ‘green washing’ ou au ‘social washing’. D’où la double nécessité de constituer un cadre clair et commun à la finance durable, qui pourrait s’appuyer en partie sur les Objectifs de développement durable (ODD).
La finance durable en France, qu’en est-il ?
La France a joué un rôle de pionnière vis-à-vis du développement de la performance extra-financière. Dès la fin des années 1990, la France a commencé les recherches sur cette thématique, par le biais de l’agence de notation Arese, devenue Vigeo Eiris. Cette dernière, récemment rachetée par Moody’s, une agence de notation américaine, rejoint le clan des agences européennes, contrôlées par des organismes américains, comme l’atteste la tendance de ces 4 dernières années. Ainsi, les Etats-Unis prennent petit à petit la main sur ce secteur et pourraient imposer leur vision de l’économie et de l’entreprise.
Face à cela, la place boursière de Paris a réaffirmé sa volonté de se positionner, en initiant l’élaboration d’une feuille de route française pour la finance durable. Co-construite, selon les PRI (Principles for Responsible Investment), par l’Initiative Financière de l’UNEP et la Generation Fondation, et avec le soutien de Finance for Tomorrow, cette feuille de route s’appuie sur 4 axes :
- Clarifier et approfondir la responsabilité fiduciaire des investisseurs
- Promouvoir l’analyse et la mesure des impacts des activités d’investissement
- Créer un environnement favorable à l’essor de l’investissement responsable
- Renforcer la collaboration entre acteurs privés et autorités publiques
Certains investisseurs s’inquiètent tout de même quant au rôle et à la place de la France dans le développement de la finance durable sur la scène mondiale. Il est donc nécessaire aujourd’hui de faire émerger une vision française et surtout européenne du secteur de la finance responsable. Un levier efficace pourrait être d’accompagner les entreprises, via des démarches RSE ambitieuses et transformatrices.